Myélome multiple : vers un réel espoir de guérison
Le myélome multiple est un cancer de la moelle osseuse où certains globules blancs, les plasmocytes, sécrètent une quantité anormale d’immunoglobuline. Les risques de fracture et d’infections sont au premier plan. Une révolution thérapeutique est en marche qui amène nombre de malades à décéder d'autre chose que de cette maladie autrefois rapidement mortelle.
Par le Dr Jean-Paul Marre, rhumatologue, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris
Des mots pour les maux
Le myélome multiple, appelé aussi « maladie de Kahler », est une maladie de la moelle où prolifèrent certains globules blancs, les « plasmocytes ».
Les plasmocytes sont les cellules du système de l’immunité qui sécrètent les « immunoglobulines » ou anticorps.
Les plasmocytes qui prolifèrent dans le myélome sont issus d’une même cellule : il s’agit d’un « clone cellulaire ».
Comme il s’agit d’une seule et même population de plasmocytes, un seul type d’anticorps est sécrété : c’est ce que l’on appelle une hyperproduction d’immunoglobuline « monoclonale » ou « pic monoclonal » à l’électrophorèse des protéines sériques.
Qu’est-ce que le myélome multiple ?
Le myélome, appelé aussi « maladie de Kahler », est un cancer de la « moelle osseuse » (la moelle à l’intérieur des os et non pas la moelle épinière). Cette moelle osseuse est contenue dans certains os de notre organisme et c’est elle qui fabrique les cellules du sang. La maladie touche souvent plusieurs os riches en moelle, d'où le nom de « myélome multiple ».
Parmi les cellules « mères » de la moelle osseuse (les « cellules souches ») qui fabriquent les globules blancs, le « plasmocyte » devient anormal pour des raisons inconnues. Le plasmocyte est une cellule qui est normalement chargée de produire les anticorps (ou « immunoglobulines »), un des outils de défense de l’organisme contre les infections.
Dans le myélome, ce plasmocyte malade se met alors à se multiplier de façon incontrôlée et toutes les cellules malignes issues de la prolifération du plasmocyte malade forment une masse de cellules identiques (« clone cellulaire »), qui continuent à faire ce pourquoi elles sont programmées : fabriquer un anticorps et, dans ce cas, ces plasmocytes produisent tous le même anticorps. Cet anticorps « monoclonal » est spécifique du plasmocyte à l'origine de la maladie : il est appelé parfois « protéine monoclonale » ou « paraprotéine ».
Le problème est lié à la surabondance de cet anticorps monoclonal, dont l'organisme n'a pas besoin, car il entraîne parallèlement une diminution des autres anticorps, en raison de l’étouffement de leurs cellules productrices dans la moelle. Ceci conduit à une diminution des anticorps normaux de défense contre les infections et à l’augmentation du risque d’infection. Dans certains cas, ces cellules myélomateuses ne fabriquent qu'un fragment d'anticorps (« chaines légères »), voire pas d'anticorps du tout.
Par ailleurs, la masse des plasmocytes malades se comporte de manière très agressive vis-à-vis de l’os et de la moelle osseuse autour. En effet, pour pouvoir survivre et se développer rapidement ces plasmocytes malins « sur-utilisent » leur environnement dans la moelle osseuse (apport sanguin en oxygène et en nutriments par les cellules de soutien), appelé « stroma médullaire ». Ce détournement à leur profit des capacités du micro-environnement des cellules se fait par l'intermédiaire de substances chimiques, comme les « cytokines ». Certaines de ces cytokines stimulent les cellules qui détruisent l'os, et d’autres produisent des molécules aidant à la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Le tout conduisant à une pérennisation de la survie et de l’hyperactivité des cellules malades.
Qu’est-ce que la moelle osseuse et à quoi sert-elle ?
La moelle osseuse se trouve dans la plupart de nos os (sauf les os distaux chez l’adulte) et c’est dans cet organe que, chaque jour, sont fabriquées des milliards de cellules qui vont constituer les cellules du sang :
• Les globules rouges, ou « hématies », sont chargés de transporter l'oxygène depuis les poumons jusqu'aux cellules de tout le corps et permettre ainsi leur fonctionnement, • Les globules blancs, ou « leucocytes », sont de différents types (polynucléaires, lymphocytes, plasmocytes...) et sont chargés de la défense du corps contre les infections,
• Les plaquettes sont de petits éléments qui ont pour rôle essentiel d’initier la coagulation du sang en cas de plaie.
Quelle est la cause du myélome ?
Les facteurs à l’origine du myélome sont encore inconnus, en dehors des radiations ionisantes à forte dose. Comme il s’agit d’une maladie rare, le rôle des facteurs d’environnement est difficile à démontrer.
Le seul facteur connu aujourd’hui est, en effet, l’exposition aux radiations ionisantes. C’est le cas chez les radiologues qui autrefois ne se protégeaient pas suffisamment, ou chez les survivants à une explosion nucléaire. Mais avoir subi une irradiation pour un cancer, que ce soit un cancer du sein ou un autre, ne prédispose pas à faire une maladie du type du myélome.
Il n’existe aucune piste sérieuse qui permette de rattacher l’apparition d’un myélome à une autre cause environnementale. Les pesticides, les teintures capillaires et d’autres toxiques professionnels, ont été incriminés dans le passé, mais rien n’a pu être démontré. En ce qui concerne les pesticides, on sait qu’ils peuvent être effectivement, impliqués dans un certain nombre de maladies du sang, comme les lymphomes, mais rien n’est prouvé pour le myélome. Le myélome associé à une exposition au benzène est reconnu comme maladie professionnelle « au tableau 4 », mais c’est au même titre que d’autres cancers du sang comme les leucémies aiguës et les lymphomes. Par ailleurs, il y a autant de personnes touchées par le myélome en ville qu’à la campagne.
L’origine du myélome est donc probablement multifactorielle avec l’intervention de différents phénomènes environnementaux, chimiques ou infectieux (virus).
La recherche de facteurs génétiques familiaux favorisant l’apparition du myélome est en cours. Mais si les exceptionnelles formes familiales de myélome peuvent être dues à une prédisposition génétique, avec la transmission d'un parent à un enfant d'un gène de vulnérabilité, ils peuvent être aussi la conséquence d'une exposition commune à un produit encore indéterminé. Le myélome ne se transmet pas à sa descendance et ne se contracte pas par contagion.
Quelle est l’évolution du myélome ?
A partir du plasmocyte anormal initial, à l’origine du « clone de cellules myélomateuses », va se développer toute une cascade de problèmes et de complications.
Le clone cellulaire a tendance à se développer et, si rien n’est fait, la moelle osseuse va être progressivement envahie et étouffée par les plasmocytes. A terme, ce myélome peut envahir tout le corps. Parallèlement, cette masse de plasmocytes va sécréter d’énormes quantités de protéine monoclonale.
Afin d’assurer son développement, le clone plasmocytaire va parallèlement sécréter de nombreuses protéines, les cytokines, qui vont non seulement stimuler la destruction de l’os (pour faire de la place), mais aussi inhiber sa reconstruction normale. L’os, en effet, n’est pas un tissu inerte, c’est un tissu en perpétuel renouvellement, et il existe simultanément au niveau de l’os normal, d’une part une destruction de la trame osseuse par les « ostéoclastes », et d’autre part une fabrication d’os sain nouveau par les « ostéoblastes » qui compense la perte osseuse. Ces deux phénomènes s’équilibrent normalement afin de préserver la solidité des os. Dans le myélome, la destruction de l’os est excessive et la construction est inhibée, c’est par ce double mécanisme que l’os est détruit. Au final, 90 % des malades atteints de myélome multiple souffrent de lésions osseuses parfois très invalidantes, qui peuvent s’accompagner de fractures et d’une libération dans le sang d’un excès de calcium aux conséquences parfois graves.
La sécrétion de l’immunoglobuline monoclonale en excès va entrainer une augmentation de la viscosité du sang à l’origine de complications à type de thrombose (phlébite, embolie) et de complications neurologiques. Par ailleurs, les fragments de cette « immunoglobuline monoclonale » peuvent venir boucher en quelque sorte le filtre que constitue le rein et entraîner une insuffisance rénale.
Parallèlement au développement du clone plasmocytaire, les autres plasmocytes et les autres lignes de la moelle osseuse vont être en quelque sorte inhibées puis étouffées avec un risque infectieux qui est majeur au cours du myélome. Enfin, les autres lignées des cellules de la moelle osseuse vont voir leur développement inhibé avec un risque d’anémie.
Y a-t-il des formes familiales ?
Les formes familiales de gammapathies monoclonales existent mais sont très rares (400 familles dans la plus grande série mondiale qui est française (Pr Charles Dumontet, Lyon)). Un premier gène candidat au déterminisme génétique de la gammapathie familiale a été individualisé (DIS3) et d'autres sont sur les rangs. Elles n'ont pas de rapport avec les anomalies génétiques qui peuvent être observées au cours du myélome et sont alors des facteurs de mauvais pronostic. Du fait de la rareté des ces formes, il n'est pas nécessaire de prévoir un conseil génétique familial. Le message, c'est que ce n'est pas une maladie héréditaire.
Quand faut-il penser à un myélome ?
Les douleurs osseuses et les « trous dans l’os » (« lacunes osseuses ») sur des radiographies sont donc les signes qui évoquent le plus souvent le diagnostic, mais le myélome peut être révélé par des signes cliniques très variables d’un malade à l’autre.
Parfois, le myélome est évoqué en présence de signes peu spécifiques (fatigue, anémie) qui conduisent à pratiquer des examens qui révèlent la (« protéine monoclonale » dans le sang.
Il peut aussi s’agir de la découverte fortuite de cette « protéine monoclonale » lors d'un examen de routine chez des personnes qui ne se plaignent de rien.
Quand les douleurs osseuses se manifestent au niveau du dos, elles sont généralement liées à une fracture d’une ou plusieurs vertèbres. Cette fracture survenant chez une personne le plus souvent âgée de plus de 60 ans, elle est souvent attribué à tort à une ostéoporose. Les douleurs peuvent aussi concerner des os comme les fémurs ou les côtes, et les examens radiographiques mettent souvent en évidence d’autres signes osseux (« lacunes osseuses » multiples ou masses d’aspect tumoral). Un myélome peut aussi être révélé par des infections du fait de l’étouffement des cellules de défenses dans la moelle.
Parfois, le diagnostic est fait devant une compression de la moelle épinière, liée à une fracture vertébrale, ou face à une augmentation du taux de calcium dans le sang (« hypercalcémie ») ou une insuffisance rénale aiguë. Il s’agit alors d’une urgence qui nécessite alors un traitement urgent. Dans tous les cas, le diagnostic devra être confirmé par des explorations d’imagerie et des examens de sang et de moelle osseuse.
Quels sont les signes du myélome ?
Conséquences de la prolifération des plasmocytes dans la moelle et de l’excès d’anticorps monoclonaux dans le sang, les signes du myélome sont très variés. Parmi ces manifestations, les douleurs osseuses, la fatigue et l'anémie dominent et conduisent le plus souvent au diagnostic.
• Les douleurs sont essentiellement osseuses et sont souvent associées à une fatigue. Elles sont souvent de type « inflammatoire », c’est-à-dire qu’elles sont permanentes, présentes jour et nuit, et non calmées par le repos. Elles sont plus spécifiquement localisées sur la colonne vertébrale, et sont liées à la fragilisation des vertèbres ou à leur fracture.
En effet, les cellules osseuses normales chargées de détruire l’os pour son renouvellement (d’autres cellules reconstruisent un os normal ensuite), sont stimulées de façon excessive par les plasmocytes malades et dépassent les capacités de reconstruction. Les destructions osseuses qui en découlent provoquent des trous dans l’os, appelés « géodes » ou « lacunes osseuses ». Quand ces lésions touchent les vertèbres, le risque de fracture vertébrale et de compression de la moelle épinière (qui est juste derrière le corps vertébral) est important.
Au-delà, la destruction osseuse exagérée peut conduire à un relargage de calcium de l’os dans le sang et à une augmentation du taux de « calcium sérique » (« hypercalcémie »). Cette hypercalcémie peut provoquer une augmentation du volume des urines, car le rein essaye de réguler le taux de calcium, ce qui peut aboutir à une déshydratation et à une insuffisance rénale. Ce sont les prises de sang qui vont permettre de rapporter ces douleurs à un myélome : on observe l’association d’un syndrome inflammatoire (liée à la protéine monoclonale), d’une élévation de la vitesse de sédimentation et d’une hypercalcémie.
• L’anémie peut être plus ou moins importante et révéler la maladie. Le fonctionnement anormal de la moelle osseuse est, en effet, responsable d’une diminution de la fabrication des globules rouges.
• La fatigue peut être le premier signe du myélome. La fatigue est la conséquence de l’anémie et de l’augmentation des protéines dans le sang, donc de la viscosité du sang. En effet, l’anticorps fabriqué en grande quantité peut rendre le sang tellement visqueux qu’il ne circule plus correctement au niveau des petits vaisseaux du cerveau. Ce phénomène entraîne des problèmes neurologiques qui s'accompagnent d'un ralentissement de la pensée et d'une grande fatigue.
• Le taux de calcium dans le sang est normalement très stable aux environs de 2,4 mmol/litre. Le myélome entrainant une augmentation de la destruction de l’os, avec une « déminéralisation osseuse diffuse », il en résulte un afflux de calcium dans le sang, d'où une augmentation du taux de calcium dans le sang (la « calcémie »). Quand la calcémie est augmentée (« hypercalcémie »), des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, des signes de déshydratation, voire une confusion mentale, et des troubles du rythme cardiaque peuvent apparaître. Ces problèmes doivent être traités en urgence.
• Parfois, de véritables tumeurs remplies de plasmocytes prolifèrent dans la colonne vertébrale et peuvent venir comprimer la moelle épinière et être à l’origine de paralysies secondaires avec des difficultés pour marcher, pour uriner, ou des troubles de la sensibilité (« troubles neurologiques »). Les examens radiologiques permettront de visualiser les lésions et d'envisager une décompression chirurgicale.
• Les infections dans le myélome sont la conséquence d’un déficit de l’immunité normale. En effet, la fabrication des anticorps physiologiques qui protègent normalement contre les différentes infections est considérablement réduite du fait de la prolifération d’un clone de plasmocytes anormaux secrétant un seul anticorps sans relation avec les défenses infectieuses. Il n’y a donc pas assez d’anticorps normaux pour assurer leur rôle de protection. En outre, comme pour les globules rouges, la fabrication des globules blancs normaux, qui participent à la neutralisation des microbes, est altérée du fait de l’infiltration de la moelle par les plasmocytes en excès.
• Une insuffisance rénale peut également compliquer le myélome. L’anticorps, qui est une grosse protéine est éliminé sous forme de fractions dans les urines et certaines de ces fractions (les « chaines légères ») vont avoir tendance à se déposer au niveau des reins où elles peuvent provoquer une insuffisance rénale.
Comment faire le diagnostic de myélome ?
Un même malade peut présenter tous les signes du myélome à la fois, mais généralement le diagnostic se fait, soit par le biais de la découverte de trous dans les os sur une radiographie, soit à l’occasion d’une fracture, soit par le biais de douleurs osseuses, soit lors d’un examen biologique qui montre une élévation de la vitesse de sédimentation ou une augmentation de la protéine monoclonale sur l’électrophorèse des protéines.
• La numération-formule-sanguine (NFS) permet d'évaluer la quantité et la qualité des globules blancs, des globules rouges et des plaquettes. Les cellules myélomateuses (plasmocytes anormaux) empêchent ces cellules sanguines de se développer normalement dans la moelle osseuse. La NFS est donc demandée pour savoir s'il y a un manque d’un de ces types de cellules dans le sang, ce qui risque d'engendrer : une anémie (= baisse du nombre de globules rouges), un affaiblissement du système immunitaire (causé par une baisse du nombre de globules blancs) et des saignements (causés par une baisse du nombre de plaquettes).
• Une analyse biochimique du sang permet d'évaluer le fonctionnement de certains organes et aussi de détecter des anomalies des protéines normales du sang. L'analyse biochimique sanguine aide également à diagnostiquer et à classer le myélome multiple.
Une hausse des protéines sériques totales peut indiquer la présence de protéines qu'on observe dans le cas du myélome multiple, comme la protéine monoclonale (« immunoglobuline monoclonale »), la bêta-2-microglobuline, la lactico-déshydrogénase (LDH) ou la protéine C-réactive.
Une hausse du taux de la créatinine et un taux anormal d’urée dans le sang témoigne d’un mauvais fonctionnement des reins.
Le taux d'albumine dans le sang peut être bas en cas de myélome multiple. L'albumine est une protéine nécessaire au maintien de la pression dans les vaisseaux sanguins afin qu'il n'y ait pas de liquide qui fuit du courant sanguin vers les tissus et les cavités du corps.
Le taux de calcium sérique peut être plus élevé que la normale quand le myélome multiple est de stade avancé. Un taux élevé de calcium sérique (« hypercalcémie ») peut témoigner d’une lésion osseuse (la destruction osseuse fait que le calcium quitte les os pour aller dans le sang). Chez certaines personnes atteintes d'un myélome multiple, le taux de phosphatases alcalines est élevé, ce qui peut révéler une lésion osseuse.
• L'électrophorèse des protéines sériques ou urinaires est une méthode qui permet d’analyser les protéines du sang ou de l'urine. L'électrophorèse des protéines sériques est un test qui permet de savoir si des protéines sont anormales ou absentes et si les taux de protéines sont trop élevés ou trop bas : dans 70 % des cas, le taux d'IgG est élevé, dans 20 % des cas c’est celui des IgA qui est élevé et dans 5 à 10 % des cas, le myélome multiple produit seulement des chaînes légères d'immunoglobulines. L'électrophorèse des protéines urinaires permet de vérifier la présence d’une partie de la protéine monoclonale, appelée chaînes légères d'immunoglobulines (protéine de « « Bence-Jones).
L'immunoélectrophorèse est un type spécialisé d'électrophorèse qui permet d'identifier le type de la protéine monoclonale ou de chaînes légères d'immunoglobulines détectées lors d'une électrophorèse des protéines sériques ou urinaires.
• Les radiographies osseuses sont demandées pour vérifier s'il y a des os cassés ou avec des lacunes osseuses. Dans le myélome, on demande en priorité des radiographies du crâne, de la colonne vertébrale, du bassin, des jambes et des bras. D’autres radiographies peuvent être demandées en cas de douleurs localisées (côtes,...). Il est également possible de découvrir la présence d'un « plasmocytome » (amas de cellules myélomateuses en un seul endroit et qui forme une tumeur unique).
• Les plasmocytes, qui sont anormaux au cours du myélome multiple, sont fabriqués dans la moelle osseuse et la seule façon de confirmer un diagnostic est de les examiner. La ponction ou la biopsie de la moelle osseuse sont des examens au cours desquels on prélève une petite quantité de moelle osseuse et d'os en vue d'un examen au microscope (« myélogramme »). On peut les faire à la clinique ou à l'hôpital, avec ou sans hospitalisation.
• Un test cytogénétique (analyse des chromosomes) permet d'observer les chromosomes d'une personne. Le caryotypage et l'hybridation in situ en fluorescence (FISH), le séquençage génétique sont des tests cytogénétiques qui peuvent aider à évaluer le pronostic quand certains changements chromosomiques sont présents chez une personne atteinte d'un myélome multiple : translocation entre le chromosome 4 et le 14, c’est-à-dire t (4;14), absence du chromosome 13 (délétion), remaniement du chromosome 14 (translocation)…
• Lors d'une tomographie par émission de positrons (TEP), on emploie une matière radioactive pour détecter des changements dans l’activité métabolique des tissus du corps. Un ordinateur analyse les modèles de distribution de la radioactivité et produit des images en trois dimensions et en couleur de la région examinée. Elle peut être utilisée pour vérifier s'il y a des changements dans la moelle osseuse et détecter la présence de plasmocytomes.
Comment évaluer le pronostic du myélome ?
Les malades peuvent être classés en fonction de la masse de cellules tumorales dans leur moelle osseuse (« masse tumorale ») et cette masse peut être évaluée à partir de critères indirects comme : la calcémie, la fonction rénale, l’anémie, la quantité de protéine monoclonale, le nombre de lésions osseuses et l’évaluation de l’envahissement médullaire : il s’agit de la classification de Durie et Salmon qui est utilisée depuis de nombreuses années.
• Stade I : Toutes les caractéristiques suivantes sont présentes :
- Le taux d’hémoglobine est supérieur à 10 g/dl.
- Le taux de calcium sanguin est inférieur à 12 mg/dl.
- Il n’y a pas de lésions osseuses ou bien il y a un plasmocytome osseux solitaire.
- Il existe une petite quantité de protéine monoclonale : taux d’IgG inférieur à 5 g/dl ou taux d’IgA inférieur à 3 g/dl ou taux urinaire des chaînes légères (protéine de Bence-Jones) inférieur à 4 g pour une collecte des urines de 24 heures.
• Stade II : Les caractéristiques sont comprises entre celles du stade I et celles du stade III.
• Stade III : Une ou plusieurs des caractéristiques suivantes sont présentes :
- Le taux d’hémoglobine est inférieur à 8,5 g/dl.
- Le taux de calcium sanguin est supérieur à 12 mg/dl.
- On observe plusieurs régions osseuses endommagées.
- On observe une grande quantité de protéine monoclonale : taux d’IgG supérieur à 7 g/dl ou taux d’IgA supérieur à 5 g/dl ou taux urinaire des chaînes légères (kappa ou lambda) supérieur à 12 g pour une collecte des urines de 24 heures.
Il existe aussi des sous-stades de la classification de Durie et Salmon en fonction du taux de créatinine dans le sang et de la qualité de fonctionnement des reins.
• Sous-stade A : Le taux sanguin de créatinine est inférieur à 2 mg/dl et les reins fonctionnent plutôt normalement.
• Sous-stade B : Le taux sanguin de créatinine est équivalent ou supérieur à 2 mg/dl et les reins ne fonctionnent pas normalement.
Y a-t-il des signes de gravité pour un myélome ?
Certains myélomes sont considérés comme plus graves que d’autres en fonction de critères qui sont aujourd’hui recherchés au moment du diagnostic de la maladie, car ils influencent le pronostic et donc le choix du traitement :
• La « masse tumorale » : elle représente l’ensemble des cellules tumorales et plus elle est importante, plus la maladie est potentiellement grave.
• Le fonctionnement du rein (la « fonction rénale ») au moment du diagnostic : si elle est altérée, le risque est plus important, car les médicaments que l’on va utiliser sont généralement éliminés par les reins. Si ceux-ci ne fonctionnent pas bien, le traitement sera plus compliqué.
• Le taux de béta2-microglobuline dans le sang : c’est le paramètre sanguin le plus important, les taux les plus élevés étant associés à une survie plus courte. Cette protéine est synthétisée par de nombreuses cellules dont les plasmocytes. Ce taux est en quelque sorte un reflet de la masse tumorale, et elle est également augmentée en cas d’insuffisance rénale.
• L’existence de certaines anomalies cytogénétiques, c’est-à-dire des anomalies génétiques dans les chromosomes à l’intérieur des noyaux des plasmocytes anormaux. Les noyaux contiennent le matériel génétique des cellules, ou ADN, et sont étudiés grâce au caryotype.
Le matériel génétique est normalement identique dans toutes les cellules saines de l’organisme. Comme dans tout cancer, des anomalies dans les cellules du myélome ont été acquises par la cellule malade et ont conduit à l’apparition de la maladie. Ce ne sont en aucun cas des anomalies génétiques transmissibles par hérédité, des parents aux enfants.
Parmi ces anomalies, on peut trouver par exemple, une translocation entre le chromosome 4 et le 14, c’est-à-dire t (4;14), ou une délétion du chromosome 13 (fragment de chromosome qui a disparu) ou la délétion du bras court du chromosome 17.
Le séquençage génétique de nouvelle génération
Les malades du myélome qui obtiennent une négativité d’un nouveau critère, la « maladie résiduelle minime », avec une méthode ultrasensible (séquençage génétique de nouvelle génération ou NGS), obtiennent de meilleurs résultats thérapeutiques, avec un allongement significatif de la survie globale et de la survie sans progression de la maladie. Surtout, ce résultat est obtenu quel que soit le traitement suivi, les facteurs de risque (cytogénétique) existants et le stade de la maladie.
Avec le séquençage génétique de nouvelle génération, qui définit la maladie résiduelle minime comme étant la présence de moins d’une cellule maligne sur 1 million de cellules de la moelle (ou 10-6), ce critère apparaît comme le facteur pronostique le plus puissant parmi tous les facteurs de risque. Une autre technique existe, la cytométrie de flux, qui est intéressante par certains aspect mais nécessite des moyens plus lourds d'analyse ce qui conduit à l'évaluer seulement sur une cellule maligne sur 100 000 cellules de la moelle osseuse (ou 10-5).
La maladie résiduelle minime (MDR) est un nouveau critère qui est désormais pris en compte par les autorités de régulation américaine (FDA) et européenne (EMEA) comme critère clinique, et on l’espère bientôt, comme critère de substitution, ce qui va permettre de transformer la recherche sur cette maladie, en raccourcissant les délais d’évaluation et en individualisant la stratégie de traitement.
Il existe 2 méthodes qui évaluent cette MDR sur des prélèvement de moelle : la « cytométrie de flux multiparamétrique » qui permet de détecter jusqu’à une cellule maligne sur 10 000 à 100 000 cellules de la moelle et le « séquençage génétique de nouvelle génération » (NGS) qui permet de détecter une cellule maligne sur 100 000 ou 1 million de cellules de la moelle. Le séquençage réalisé dans cette étude utilise la technologie Adaptative qui permet de détecter une cellule maligne sur 1 million de cellules de la moelle, ce qui est extrêmement sensible.
Il sera bientôt possible d'avoir la MDR comme critère par rapport à la survie sans progression ou la survie globale, ce qui va économiser du temps et de l'argent et permettre une accélération de la recherche pour trouver les protocoles les plus intéressants. Dans la pratique, cela devrait permettre de proposer une intensification du traitement chez les malades à haut risque cytogénétique qui n'atteignent pas la rémission ou un allongement du traitement d’entretien en cas de persistance d’une MDR, d’alléger le traitement en cas d’obtention rapide d’une MDR et, pourquoi pas, de reprendre le traitement dès que la MDR se repositivera.
Quand faut-il traiter un myélome ?
Les stratégies thérapeutiques dans le myélome sont soumises à des recommandations scientifiques régulièrement réactualisées en fonction des progrès de la recherche. Elles vont de la simple surveillance sans traitement à la greffe de cellules souches et elles garantissent la prise en charge optimale de chaque malade. Aujourd’hui, les médecins disposent de médicaments, beaucoup plus nombreux et plus efficaces qu’il y a une vingtaine d’années, et de nouvelles stratégies de traitement, si bien que, même si l’on ne guérit pas encore complètement le myélome, celui-ci tend à devenir une maladie chronique du fait de l'allongement impressionnant de l'espérance de vie chez certains malades. Chez certaines personnes, il sera même peut-être possible d’espérer la guérison.
• S’il s’agit d’un « myélome asymptomatique indolent » d’évolution très lente (stade I de la classification de Durie et Salmon), il ne nécessite qu’une surveillance régulière. Un grand nombre de patients à ce stade vont pouvoir vivre sans être exposés à l’agressivité des traitements pendant des années. La progression vers un myélome symptomatique est cependant inéluctable. Si certains traitements sont susceptibles de retarder l’évolution vers une forme « active » de la maladie, il n’est pas sûr qu’ils améliorent la survie.
Une piste plus intéressante est donc de rechercher quels sont les myélomes de stade I qui présentent un potentiel particulier d’évolutivité. Certains critères permettent de sélectionner les malades de stade I qui vont progresser plus vite vers des stades II ou III et c’est chez ces malades à risque que les médecins vont proposer un traitement d’emblée, sans attendre un évolution vers un stade ultérieur.
• Quand le myélome requiert un traitement (stades II et III de la classification de Durie et Salmon), l’âge du malade est pris en compte dans le choix thérapeutique.
Un âge limite de 65 ans a été admis en France (70 ans aux Etats-Unis) pour bénéficier d’un traitement intensif initial avec « autogreffe de moelle » qui est actuellement le traitement de référence, en association à une association de médicaments ciblés. Puis les malades recoivent différents types de molécules en consolidation et en traitement d'entretien.
Au-delà de cet âge, les malades recevront uniquement un traitement chimiothérapique de différents types en fonction de leur état général et leurs capacité à supporter des molécules (en quelques années, on est passé du MP au VMP ou au RD (soit lénalidomide et dexaméthasone) et bientôt au VRD (AMM Européenne) qui allonge la survie. Des anticorps monoclonaux anti-BCMA ou CD-38 sont en cours de développement et un anticorps anti-CD38, le daratumumab, donne des résultats importants en association aux traitement actuels (40% de MRD négative avec le D-VMP) avec un allongement de plusieurs années de la médiane de survie. Il est bien sûr possible de faire du D-VRD. EN ligne de mire, dans les forme les plus graves, les CAR-T cells anti-BCMA qui sont encore en cours d'analyse. L'allongement de la survie est tel chez certains malades âgés qu'il mourront probablement d'autre chose que de leur myélome.
Il faut savoir qu’à tout moment, en fonction de la façon dont le malade réagit au traitement, de l'analyse de la MRD ou de la survenue d’effets indésirables, ce programme pourra être modifié. SI la MRD devient un critère d'évaluation dans les études, il va devenir possible de mettre en place des études contrôlées de stratégies de traitement permettant de mieux individualiser le traitement.
Comment traite-t-on un myélome à un stade avancé ?
L’objectif actuel du traitement est de freiner la maladie et de la mettre sous contrôle : c’est-à-dire en « rémission ». Il n’y a pas de médicament actuellement capable de guérir définitivement le myélome, mais la chimiothérapie et/ou les greffes permettent d’obtenir une disparition des signes de la maladie (« rémission »), ce qui signifie qu’il n’y a plus de signe d’activité du myélome, et cela peut durer plusieurs années.
A partir du moment où un myélome est évolutif ou menaçant, la chimiothérapie est à peu près toujours incluse dans le traitement. La chimiothérapie utilise des médicaments anticancéreux, dits « cytotoxiques » qui circulent dans le sang et ont une toxicité particulière pour les cellules cancéreuses qu’ils vont détruire ou empêcher de se multiplier.
Différentes molécules associées dans différents types d’associations ou « protocoles » sont à disposition, selon l’âge ou l’état général. En fonction des molécules, les traitements peuvent être administrés par voie veineuse, ou sous forme de comprimés à prendre par la bouche.??
• Depuis quelques années, de nouvelles possibilités de traitement du myélome sont apparues, avec des médicaments qui agissent sur l’environnement des plasmocytes dans la moelle osseuse : l’objectif est de limiter ou de priver les plasmocytes malins des ressources dont ils ont besoin pour se développer.
C’est le cas de traitements anciens comme le thalidomide, mais aussi de nouvelles molécules plus efficaces ou mieux tolérées (lénalidomide, bortézomib, pomalidomide).
Ces « agents ciblés » sont souvent associés à une corticothérapie (dexaméthasone). Un traitement préventif des thromboses veineuses doit néanmoins souvent être associé. Ce type de traitement est le seul à être utilisé après 65 ans en France.
D’autre molécules avec une action à différents stades de l’immunité (« immunomodulatrices ») sont en phase d’essai et semble prometteuses (lymphocytes modifiés CAR-T, alemtuzumab, ixazomib, daratumumab …).
• Lors de la rechute, de nouvelles cures de traitement seront prescrites. On parle alors de traitement de « deuxième ligne ». Ainsi, le traitement d’un myélome alternera des phases de traitement actif avec des phases de rémission où une surveillance sera seule mise en place. Ces protocoles ne nécessitent pas d’hospitalisation, le malade étant simplement suivi en consultation, voire en hôpital de jour.?
• Chez les malades de moins de 65 ans et en bon état général, le traitement de référence en première ligne est aujourd’hui « l’intensification » avec « autogreffe » de cellules souches, précédée par une chimiothérapie pour réduire la masse tumorale (« traitement d’induction »). L’association des nouvelles molécules (« agents ciblés ») semble encore améliorer le pronostic.
L'autogreffe est la greffe des propres cellules souches du malade (à la différence de l’allogreffe, greffe des cellules souches d’un donneur apparenté) : il s’agit essentiellement d’un moyen pour « intensifier » le traitement chimiothérapique du myélome. La réalisation de cette greffe doit être faite le plus tôt possible, après la phase d’induction.
En donnant des doses plus fortes de traitement pour détruire plus de cellules malades, les chances de rémission sont augmentées. Mais les cellules normales sont également détruites, d’où l’idée de réinjecter des cellules souches sanguines, auparavant prélevées chez le malade. On parle de traitement intensif avec autogreffes ou « intensification par autogreffes ».
Les nouvelles données de la recherche offrent d’autres possibilités de chimiothérapies pour préparer à l’autogreffe, comme l’association de corticoïdes et de nouveaux agents « ciblés », qui est devenue le traitement de référence en première ligne en préparation de l'autogreffe. Ces chimiothérapies sont administrées par voie veineuse imposant un court séjour à l’hôpital et elles génèrent quelques effets indésirables mais qui sont accessibles le plus souvent à un traitement.
« L’induction » est la première phase du traitement du myélome multiple. Le but du traitement d’induction du myélome multiple est de réduire le nombre de plasmocytes dans la moelle osseuse et le nombre de protéines fabriquées par les plasmocytes. Le traitement d’induction dure habituellement de 3 à 4 semaines. Le traitement d’induction peut comporter un seul type de médicament ou bien une association d’entre eux : agents chimiothérapeutiques, agents ciblés, corticostéroïdes. Le traitement d’induction du myélome multiple chez les personnes qu’on considère comme des candidates à la greffe de cellules souches comprend désormais une association d’agents ciblées et de corticoïde : dexaméthasone, thalidomide ou lénalidomide, bortézomib et dexaméthasone alors que dans le passé on avait recours à une association vincristine, doxorubicine et dexaméthasone
L’autogreffe est réservée aux patients les plus jeunes, car il faut que l’organisme puisse supporter le traitement intensif. Il est basé sur un constat scientifique qu’on appelle l’effet-dose. Dans une autogreffe, on prélève les cellules souches dans la moelle osseuse ou le sang de la personne atteinte. On privilégie habituellement l’autogreffe dans le cas du myélome multiple puisque la plupart des gens atteints sont âgés de plus de 50 ans quand ils reçoivent leur diagnostic. Les résultats de l’étude IFM-2009 remettent la greffe au centre du traitement en testant l’apport de la greffe en plus de l’association lénalidomide, bortézomib et dexaméthasone. Les résultats du traitement triple sont indéniablement bons au départ, mais la greffe augmente de manière très évidente les taux de réponse et la survie sans progression.
Une « chimiothérapie de consolidation » à forte dose (= « conditionnement ») est administrée après un traitement d’induction et avant une greffe de cellules souches. Le traitement de consolidation consiste en une chimiothérapie à forte dose suivie d’une greffe de cellules souches. La phase de consolidation débute après 3 ou 4 cycles de traitement d’induction. Le médicament administré dans le cadre du traitement de consolidation standard des personnes atteintes d’un myélome multiple qu’on considère comme des candidates à la greffe de cellules souches est le melphalan.
Il peut être parfois nécessaire de compléter l’autogreffe, soit par un deuxième traitement intensif pour augmenter le bénéfice sur la maladie, on parle alors de double autogreffe, soit par un traitement de consolidation ou d’entretien avec de nouvelles molécules qui permettent d’améliorer encore les résultats, soit dans certains cas par une allogreffe.
L'étude IFM-2009 a également permis d’analyser la maladie résiduelle par des techniques beaucoup plus sensibles comme des techniques de cytométrie de flux ou, surtout, de séquençage génétique de nouvelle génération qui permettent, lorsque le séquençage est négatif, de définir une population qui a 87% de chance de ne pas rechuter à 4 ans, c’est-à-dire probablement un grand nombre de patients guéris. A l'inverse, en présence d’une maladie résiduelle, il est désormais possible de tester différentes stratégies utilisant des anticorps spécifiques, cytolytiques ou immunostimulants (en ciblant un récepteur PD-1 ou PDL-1).
On administre parfois une chimiothérapie après une greffe de cellules souches en traitement d’entretien du myélome multiple. Les médicaments les plus couramment administrés sont le lénalidomide car il pourrait aider à retarder la réapparition du myélome, mais il peut aussi causer de graves effets secondaires. Le bortézomib peut servir au traitement d’entretien. Contrairement au thalidomide et au lénalidomide, qu’on administre sous forme de pilule, le bortézomib est injecté dans une veine. Cela peut signifier qu’il ne convient pas pour un usage à long terme. Le thalidomide peut servir au traitement d’entretien mais il est moins utilisé car il n’améliore pas vraiment la survie et peut altérer la qualité de vie.
Il arrive parfois qu’on associe les corticostéroïdes à des médicaments ciblés ou qu’on les administre au lieu des médicaments ciblés comme traitement d’entretien du myélome multiple.
Dans le myélome réfractaire, les lymphocytes CAR-T représentent un nouvel espoir. Cela fait plusieurs années qu’on les utilise dans la greffe et le principe est de modifier en laboratoire les lymphocytes T du malade afin qu’ils expriment un récepteur spécifique d’une molécule que l’on ne trouve que sur les cellules ciblées. Pour le myélome, la molécule ciblée est le BCMA et les résultats d'une première étude de phase 1 sur 12 malades sont très prometteurs avec, pour les doses les plus élevées, des disparitions complète de la maladie chez des patients qui avaient une moelle envahie à 90%.
Comment gère-t-on les douleurs osseuses ?
Au-delà de la chimiothérapie ou des greffes, le myélome multiple expose à des complications, comme les douleurs et les fractures osseuses, qui nécessitent souvent un traitement spécifique.
Le plus souvent les douleurs sont dues à une fragilité osseuse. Cette fragilité peut être en rapport avec une déminéralisation osseuse diffuse provoquée par une stimulation excessive des cellules chargées normalement de la résorption osseuse. Cette anomalie est déclenchée par des protéines sécrétées par les cellules cancéreuses de la moelle (cytokines).
La fragilité osseuse peut aussi être localisée et, dans ce cas, elle est secondaire à l’apparition d’un « trou dans l’os », ou lacune, lié à une résorption osseuse au niveau d’un îlot de cellules malades. Cette lacune peut conduire à une fracture de fragilité, c’est-à-dire une fracture survenant pour un traumatisme minime, voire même sans aucun traumatisme. Si les antalgiques, ou médicaments contre la douleur, sont systématiquement utilisés, d’autres traitements plus spécifiques sont recommandés.
Pour le traitement des déminéralisations diffuses, ou en prévention des lésions osseuses, les bisphosphonates en perfusion par voie intraveineuse sont désormais couramment prescrits. Ce sont des molécules qui se déposent dans l’os et inhibent les cellules normalement chargées de résorber l’os. Plusieurs études et groupes d’experts ont validé leur intérêt pour réduire la résorption osseuse dans le myélome. A travers cet effet « anti-résorption », les bisphosphonates sont à même de réduire à la fois les douleurs et le risque de fractures. Le problème principal de ce traitement est la possibilité de survenue d’ostéonécrose de la mâchoire à forte dose.
Lorsque la résorption osseuse est localisée et aboutit à une lacune qui menace la solidité de l’os, une radiothérapie locale peut être pratiquée. Elle consiste à utiliser un faisceau de rayons X, semblables à ceux utilisés en radiographie mais à plus forte dose, pour détruire les cellules cancéreuses. La radiothérapie a énormément progressé depuis quelques années avec une amélioration de la précision du repérage de la zone malade à traiter, mieux ciblée, et une meilleure préservation des tissus sains environnants. En tuant les cellules cancéreuses au niveau de la lacune osseuse, la radiothérapie réduit la pression exercée à l’intérieur de l’os par la croissance des cellules cancéreuses, réduit la douleur et prévient l’évolution jusqu’au stade de la fracture. Les doses de radioactivité délivrées localement restent modestes pour l’ensemble de l’organisme et, si nécessaire, il est possible et sans inconvénient particulier de traiter plusieurs lésions.
Dans certains cas où la lacune osseuse rend particulièrement fragile un os long, il faut alors réaliser un geste chirurgical de consolidation en mettant en place une tige osseuse ou une plaque. Cette intervention doit être pratiquée avant la radiothérapie locale pour éviter les complications infectieuses liées à un geste chirurgical sur une peau irradiée.
Comment gère-t-on les fractures vertébrales ?
Les fractures vertébrales par compression déséquilibrent la colonne, induisent des douleurs invalidantes souvent sévères et une déformation en position penchée en avant (« en cyphose »).
Quand les antalgiques ne suffisent plus pour soulager la douleur, des techniques de « cimentoplastie », également utilisées pour les fractures de l’ostéoporose et les métastases vertébrales, permettent de stabiliser, à l'aide d'un ciment injecté, une vertèbre fracturée ou tassée. Un examen IRM est généralement pratiqué pour vérifier si la fracture peut être traitée par ces techniques. Sous anesthésie générale, le malade est mis sur le ventre pour l’intervention. Des trocarts sont introduits de chaque coté de la vertèbre. Ils permettent d’injecter sous haute pression un ciment très liquide (du méthylmétacrylate) dans le corps vertébral. L’injection se pratique sous contrôle radioscopique très précis pour éviter une fuite extra-vertébrale du ciment. La chaleur émise par le ciment détruit les fibres nerveuses apportant aux patients un soulagement immédiat et durable de la douleur.
Si la cimentoplastie a montré son efficacité contre la douleur, la réduction de la déformation de la colonne reste limitée par le risque de passage extravertébral du ciment, d’où l’intérêt pour une nouvelle technique la « vertébroplastie » plus efficace sur la déformation du corps vertébral. Cette technique est pratiquée sous anesthésie générale ou locale avec des sédatifs. L'idée de cette nouvelle technique est de redonner à la vertèbre un volume normal en gonflant un ballonnet à l’intérieur du corps vertébral. Ce gonflement va créer une cavité dans la vertèbre qu’il convient ensuite de combler avec un ciment à haute viscosité injecté sous faible pression. Les fuites extra-vertébrales sont donc limitées. Le risque de fuite n’est que de 8,6 %, alors qu’il est de 40 % avec la vertébroplastie.
Comment gère-t-on les complications liées au relargage de calcium ?
Si la prise en charge des douleurs osseuses est habituelle dans le myélome, les infections, l’anémie, l’insuffisance rénale, et plus rarement un syndrome d’hyperviscosité du sang, nécessitent également des traitements spécifiques.
Si la résorption osseuse est très importante, une libération massive de calcium osseux dans le sang peut être à l’origine d’une élévation de son taux dans le sang, ou « hypercalcémie ». Dans ce cas, divers traitements sont utilisés, dont la réalisation en urgence d’une épuration du sang du calcium en excès, car le risque de troubles du rythme cardiaque, voire d’un arrêt cardiaque, est majeur. Il est toujours possible de réaliser une dialyse rénale (épuration du calcium en excès par le biais d’une machine), mais la solution la plus souvent choisie est celle d’une augmentation de l’élimination urinaire du calcium. Cette « hyper-élimination » urinaire du calcium en excès est effectuée en augmentant les apports hydriques et en donnant en même temps des diurétiques (« hyperdiurèse provoquée »). Lorsque la crise aiguë est passée, ou d’emblée en cas d’hypercalcémie plus modérée, l’administration de bisphosphonates par voie intraveineuse permettra le plus souvent d’attendre l’efficacité de la chimiothérapie, qui réduira la population des cellules cancéreuses à l’origine du trouble.
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Comment gère-t-on les infections et le risque infectieux ?
Du fait du désordre des défenses immunitaires, induit par la prolifération de plasmocytes malades à l’intérieur de la moelle et par les traitements (corticoïdes et chimiothérapie), les infections sont un problème fréquent au cours du myélome multiple. Ces infections peuvent dégénérer très vite et elles doivent être traitées sans hésitation par des antibiotiques, y compris en perfusion à l’hôpital. La vaccination contre certaines infections bactériennes ou virales est nécessaire (pneumocoque et grippe). Sans être inquiet en permanence, il faut être très vigilant devant toute fièvre lorsque l’on a un myélome, et ne pas hésiter à consulter son médecin. Des immunoglobulines peuvent aussi être prescrites dans la prévention du risque infectieux.
Comment gère-t-on l’anémie au cours du myélome ?
L’anémie correspond à une baisse du nombre de globules rouges dans le sang, et par conséquent du taux d’hémoglobine contenue dans ces globules rouges. Dans la mesure où ces cellules sont normalement chargées du transport de l’oxygène vers les tissus, l’anémie est responsable d’une baisse des performances avec fatigue, essoufflement au moindre effort, vertiges…
Cette anémie est le plus souvent liée à un syndrome « d’étouffement » de la moelle (où sont produits les globules rouges) par la prolifération des cellules cancéreuses. Si l’anémie est trop importante, une transfusion peut être nécessaire pour remonter le taux d’hémoglobine au-dessus d’un seuil déterminé en fonction de l’âge et d’éventuelles maladies cardiaques associées.
Si l’anémie est très importante et récidivante, un traitement par « érythropoïétine » peut être prescrit. Il s’agit d’une hormone de synthèse, copie d’une hormone naturelle, capable de stimuler les cellules souches de la moelle à partir desquelles sont fabriqués les globules rouges. L’érythropoïétine est généralement administrée par injection sous-cutanée, et la fréquence d’administration est déterminée en fonction du taux d’hémoglobine dans le sang.
Comment gère-t-on le risque d’insuffisance rénale au cours du myélome ?
Le rein est normalement chargé de la filtration du sang afin de le débarrasser de ses impuretés qui sont éliminées dans les urines. Au cours du myélome, le rein est soumis à des agressions variées, mais la plus à risque est le dépôt dans le « filtre » rénal de morceaux de l’immunoglobuline monoclonale : les « chaînes légères ». Ce sont des petites protéines qui entrent dans la composition normale des immunoglobulines et qui sont sécrétées en trop grande quantité dans le myélome. Les malades qui ont des chaînes légères dans les urines ont donc un risque élevé de dépôts dans le rein qui compromettent alors sa capacité de filtre. Le traitement régulier du myélome réduit la production de chaînes légères et protège la fonction rénale. Il faut toujours informer le médecin en cas de myélome, lorsqu’un examen d’imagerie est prévu. En effet, le risque majeur chez le malade est de subir, sans précaution, un examen d’imagerie utilisant un produit de contraste (par exemple une coronarographie, un scanner avec injection, une urographie intraveineuse…). Sans une hyperhydratation et la perfusion associée de solutés basiques, le produit de contraste va se combiner aux chaînes légères pour constituer des complexes qui vont se déposer dans les reins, avec un risque majeur d’insuffisance rénale aiguë.
Comment gère-t-on un syndrome d’hyperviscosité au cours du myélome ?
Dans certains cas, la sécrétion en très grande quantité de l’immunoglobuline monoclonale par les cellules myélomateuses aboutit à une telle augmentation des protéines dans le sang que celui-ci est épaissi et très visqueux, ralentissant sa circulation, en particulier dans les petits vaisseaux du cerveau. Certaines régions du cerveau peuvent alors être mal irriguées et mal oxygénées conduisant à des malaises simulant un accident vasculaire cérébral. Dans certains cas, des thromboses veineuses peuvent également survenir. Une plasmaphérèse pourra être proposée. Il s’agit de vous brancher quelques heures sur une machine qui va séparer les cellules sanguines, du plasma trop riche en protéines. Les cellules isolées seront mélangées à un liquide qui a une composition similaire au plasma normal, puis réinjectées dans les veines. La plasmaphérèse permet d’attendre que la chimiothérapie réduise le nombre de cellules myélomateuses et leur sécrétion d’immunoglobuline monoclonale.
Environ 5 000 nouveaux cas de myélome multiple sont diagnostiqués chaque année en France (moins de 2 % des cancers).
Le myélome touche un peu plus souvent les hommes (54 %). Il s’observe en moyenne autour de 70 ans mais peut aussi toucher des personnes plus jeunes (3 % des cas avant 40 ans).
Les lésions osseuses concernent près de 70 % des malades lors du diagnostic, et tous développeront des complications osseuses au cours de l’évolution de la maladie.
Le site de l’Institut National du Cancer (INCa)
http://www.e-cancer.fr/
Le site de l’Association Française des Malades du Myélome Multiple
http://www.af3m.org/
Les liens internes à Pourquoi Docteur
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