Saturnisme : une intoxication au plomb qui n’a pas disparu
Le saturnisme est une maladie liée à l'intoxication par le plomb, substance nocive pour l'organisme. Elle est particulièrement grave chez les enfants et les femmes enceintes. Les signes de la maladie sont neurologiques, digestifs, hématologiques mais peu spécifiques, et le diagnostic est souvent tardif, surtout évoqué devant un environnement à risque.
Des mots pour les maux
Le terme saturnisme désigne une maladie liée à l'intoxication par le plomb. Il provient de la planète Saturne, symbole du plomb en alchimie.
La plombémie est la mesure du taux de plomb dans le sang.
En cas de très forte intoxication, un traitement chélateur peut être mis en place, il s'agit d'un médicament qui va se lier aux métaux lourds, ici le plomb, pour favoriser son élimination de l'organisme.
Qu'est-ce que le saturnisme ?
Le saturnisme est une maladie en rapport avec une intoxication par le plomb.
La maladie est définie par une plombémie, c'est-à-dire un taux de plomb dans le sang supérieur à 50 µg par litre.
Mais on parle de toxicité sans seuil, c'est-à-dire que, même en dessous de 50 µg par litre, alors que l’on ne peut pas stricto sensu parler de saturnisme, une intoxication légère au plomb peut donner des risques pour la santé.
Autre problème, cette intoxication, aiguë ou chronique, est durablement dangereuse pour la santé et peut parfois se manifester très longtemps après l’exposition au plomb : une exposition au plomb pendant l’enfance peut ainsi avoir des conséquences à l’âge adulte.
Quelles sont les conséquences de l'intoxication par le plomb ?
Le plomb n'a aucun rôle dans le fonctionnement normal de l'organisme et il est toxique. Sa présence signe toujours une contamination, même en cas de plombémie en dessous de la valeur de 50 µg par litre, le seuil qui pose le diagnostic de saturnisme.
Le plomb pénètre dans le corps lors de la respiration ou absorbé par la bouche (voie digestive) ou même par voie transplacentaire, entre une mère et son fœtus. Il se fixe ensuite essentiellement au niveau des os (90 %) d’où il est régulièrement relâché dans le sang, y compris longtemps après l’exposition (demi-vie de 10 ans). Les effets de l’intoxication peuvent donc être tardifs et sont particulièrement dangereux chez l'enfant (car l’absorption digestive est forte) et la femme enceinte.
Le plomb est donc un toxique pour l’organisme avec 3 principaux types de toxicités :
• Toxicité pour le système nerveux central (perturbation du métabolisme des neurotransmetteurs dans le cerveau), à l’origine d’une encéphalopathie, et périphérique (atteinte des cellules des nerfs), à l’origine d’une polynévrite ;
• Toxicité pour le sang et les globules rouges, à l’origine d’une anémie ;
• Toxicité pour le rein avec des atteintes aiguës en cas de doses élevées de plomb et une atteinte interstitielle chronique du rein, irréversible, en cas d’intoxication chronique, en plus d’une perturbation du système rénine-angiotensine à l’origine d’une hypertension artérielle.
Quels sont les signes de l’intoxication aiguë au plomb ?
Une ingestion accidentelle (ou volontaire) de plomb peut provoquer des troubles digestifs (douleurs du haut du ventre, ou plus générales, et vomissements), une atteinte rénale avec diminution du volume des urines (« oligurie ») et anomalie du sédiment urinaire (« cylindrurie », « protéinurie », « glycosurie », « phosphaturie »), une atteinte neurologique avec convulsions, voire coma et décès, parfois une atteinte du sang avec « anémie hémolytique » (les globules rouges sont rapidement détruits dans le sang).
Quels sont les signes de l’intoxication chronique au plomb ou saturnisme ?
Initialement et à faible dose, l'intoxication peut provoquer des troubles digestifs (à type de constipation, douleurs et nausées, maux de tête), une fatigue et une anémie (normochrome ou hypochrome avec éventuelles ponctuations basophiles). Ces troubles sont réversibles.
Chez l'enfant, elle peut provoquer un retard du développement psychomoteur, un retard de la croissance, un retard de la puberté et une hyperactivité, et ces troubles peuvent être irréversibles. En cas de taux sanguins élevés au-dessus de 70 µg par litre, les enfants peuvent avoir une véritable encéphalopathie aiguë avec agitation, confusion, hallucinations, convulsions, coma et œdème cérébral.
Chez la femme enceinte, l'intoxication par le plomb peut provoquer des fausses couches, un retard de croissance du fœtus, un accouchement prématuré.
Chez l'adulte, les conséquences à long terme peuvent être le développement d'une hypertension artérielle, de maladies rénales (avec atteinte tubulaire et interstitielle évoluant vers une néphropathie hypertensive), une baisse de la fertilité (hypospermie), des troubles neurologiques centraux (diminution des performances intellectuelles) ou des anomalies de la motricité des mains par atteinte nerveuse (poly- ou mononévrite avec en particulier atteinte radiale et chute du poignet) ou des pieds (atteinte des péroniers et des releveurs des orteils), ainsi qu'une augmentation de la mortalité et des maladies cardiovasculaires. Une élévation de l’acide urique dans le sang peut être observée, ainsi qu’une diminution des formes actives de la vitamine D.
Le plomb métallique est classé comme « carcinogène possible » par l’IARC (International Agency for Research on Cancer).
Quelles sont les sources d'intoxication par le plomb ?
En France, les sources principales d'intoxication par le plomb sont la poussière et les débris de peintures des habitats anciens, datant d'avant 1975 et essentiellement d'avant 1949. Les enfants sont particulièrement exposés car ils ingèrent des particules en jouant avec la peinture écaillée puis en portant les doigts à la bouche.
Les anciennes canalisations contenant du plomb peuvent aussi être une source d'intoxication en contaminant l'eau (c’est ce qui s’est passé récemment à Flint aux USA).
Des activités de loisirs et activités professionnelles sont à risque : bricolage d'objets en plomb, tir sportif, restauration de vitraux, recyclage des batteries.
L'exposition peut également venir de l'utilisation de cosmétiques (khôl) ou de vaisselles contenant du plomb (plat à tajine, étain, cristal) ou de séjours réguliers dans des zones à risque comme l'Amérique du Sud, l'Afrique, l'Inde.
Quand faut-il évoquer le diagnostic de saturnisme ?
Dans les pays occidentaux, de nos jours, l'intoxication par le plomb est le plus souvent silencieuse et ce sont des signes non spécifiques qui peuvent être révélateurs ; mais le plus souvent, c'est le contexte d'une exposition au plomb qui permet de suspecter le diagnostic.
Le diagnostic de saturnisme peut être évoqué devant une fatigue, des maux de tête, des douleurs du ventre, des nausées, un défaut d’attention, une nervosité, des troubles du sommeil, une anémie.
Si ces premiers symptômes passent inaperçus, des signes d'intoxication au plomb plus chroniques peuvent alors être révélateurs : un retard du développement psychomoteur, une hyperactivité ou un retard de puberté chez l'enfant.
Comment diagnostiquer le saturnisme ?
Le diagnostic de saturnisme est fait grâce au dosage sanguin du plomb dans le sang, appelé plombémie. Un seuil supérieur à 50 µg par litre pose le diagnostic.
Il est prescrit aux personnes présentant des facteurs de risque. La prise de sang et les consultations de suivi sont prises en charge à 100 % par la sécurité sociale pour les personnes mineures et les femmes enceintes.
Quels sont les examens complémentaires à effectuer en cas de saturnisme ?
Une fois le diagnostic de saturnisme posé, des examens sont effectués à la recherche de complications de l'intoxication : entre autres, recherche de troubles du développement psychomoteur, de troubles de l'attention et du développement staturo-pondéral (retard dans la prise de poids et la taille) chez l'enfant, une anémie et une hypertension artérielle avec atteinte rénale chez l’adulte.
Quelle est la prise en charge en cas de saturnisme ?
La mesure principale de prise en charge en cas de saturnisme est la suppression de toutes les sources d'exposition au plomb dans l'environnement de la personne atteinte.
La maladie étant à déclaration obligatoire auprès des autorités, une enquête environnementale est mise en place par des services spéciaux après le diagnostic pour dépister et éliminer la source d'exposition. Des travaux peuvent alors être nécessaires au sein du domicile si la présence de plomb est dépistée.
Sur le plan du traitement médical, la prise en charge et le suivi dépendent de la gravité de l'intoxication. Par exemple, il n’est pas indiqué de faire une chélation chez les personnes professionnellement exposées au plomb pendant de longues années et qui sont sans symptômes avec une plombémie inférieure 45 µg/litre. Les chélateurs ont, d’une part, des effets secondaires et, deuxièmement, ils auraient un effet contre-productif dans ce cas : ils vont entraîner la remobilisation du plomb qui est naturellement stocké dans les os. Il faut plutôt que ces personnes prennent des suppléments alimentaires de calcium, surtout dans les situations où une perte de masse osseuse pourrait provoquer un relargage de plomb dans la circulation (immobilisation prolongée, ostéoporose...).
Dans ces situations particulières, des contrôles de plombémie sont bien sûr indispensables.
Des prises de sang régulières sont effectuées pour surveiller l'évolution (tous les 2 à 3 mois en fonction du taux). En cas d'intoxication grave (70 µg/litre) ou d’encéphalopathie ou d’intoxication aiguë, un traitement chélateur (il y en a 4 actuellement utilisés et qui favorisent l'élimination du plomb dans les urines) peut être instauré à l'hôpital. Il se discute à partir de 50 µg par litre.
Des mesures hygiéno-diététiques sont toujours préconisées pour réduire son exposition au plomb, détaillées dans le paragraphe prévention.
Y a-t-il une prise en charge spécifique pour l'entourage d'une personne atteinte de saturnisme ?
En cas d'intoxication par le plomb dépistée, un repérage des personnes à risque dans l'entourage est nécessaire. Les personnes concernées sont les enfants et les femmes enceintes.
En cas de doute sur une intoxication de ces personnes (présence de symptômes ou exposition avérée au plomb), une consultation médicale et une prise de sang pour dosage de la plombémie sont effectuées.
Comment réduire les risques de saturnisme ?
Des règles hygiéno-diététiques permettent de réduire les risques de saturnisme, notamment si le logement est à risque (datant d'avant 1949).
Il faut éviter que les enfants ne touchent à la peinture des murs, notamment si elle est écaillée. Ils doivent se laver régulièrement les mains et avoir les ongles coupés courts. Il faut laver régulièrement les jouets et tétines et ne pas laisser les enfants jouer avec des jouets en plomb (soldats, voitures par exemple).
Dans la mesure du possible, des sorties régulières pour éloigner l'enfant de la source d'exposition au domicile sont à organiser.
Une alimentation équilibrée est également utile pour diminuer les effets de l'intoxication, notamment en veillant à ce qu'elle ne manque pas de fer ni de calcium.
Si les canalisations sont en plomb, il faut privilégier l'eau en bouteille pour la boisson et laisser couler au moins 3 minutes l'eau du robinet avant de l'utiliser pour cuisiner.
Les aliments ne doivent pas être stockés dans des récipients artisanaux en céramiques, étain ou cristal, qui peuvent contenir du plomb.
Enfin, l'utilisation de cosmétiques à base de khôl est proscrite notamment chez la femme enceinte, qui comme les enfants doit régulièrement se laver les mains et couper ses ongles courts.
La maladie en France - chiffres
Les cas de saturnisme ont fortement diminué depuis une trentaine d'années. En 1995, un quart des enfants testés avaient une plombémie supérieure à 50 µg par litre.
En France, la proportion d'enfants dont la plombémie est supérieure à 50 µg par litre et donc atteints de saturnisme est désormais de 2 % parmi ceux testés. Les taux de plombémie supérieurs à 100 µg par litre sont rares, estimés à 0,1 % des enfants testés. En revanche, 10 % présentent des taux de plombémie entre 25 et 50 µg par litre, seuil d'alerte, ne signant pas le diagnostic de saturnisme mais nécessitant un suivi adapté.
Liens site
INSERM : dossier information sur le saturnisme
Ministère des Solidarités et de la Santé : le saturnisme
Organisation Mondiale de la Santé : intoxication au plomb et santé
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