Polynévrite : une atteinte des nerfs des bras et des jambes
Une polynévrite, ou polyneuropathie, correspond à une maladie des nerfs périphériques responsable d’un déficit de la sensibilité et du fonctionnement des muscles.
Des mots pour les maux
Les neuropathies périphériques englobent tous les troubles qui entraînent une lésion des nerfs du système nerveux périphérique. Elles sont classées en fonction de la localisation de la lésion nerveuse : polyneuropathie distale et symétrique, mononeuropathie et polyradiculonévrites.
Une polynévrite ou polyneuropathie est une atteinte de plusieurs nerfs périphériques.
Un nerf périphérique est constitué de plusieurs cellules nerveuses ou neurones. Un neurone est constitué d’un corps cellulaire qui contient le noyau de la cellule nerveuse, et d’un axone, sorte de câble électrique, qui est entouré d’une gaine de myéline pour accélérer la conduction de l’influx nerveux le long de l’axone. L’axone s’articule à son extrémité avec un autre neurone ou une autre cellule (cellule musculaire, cellule de la peau…)
Un électromyogramme est un examen qui analyse la conduction des influx électriques sensitifs et moteurs dans les nerfs
Qu'est-ce qu’une polynévrite ?
Une polynévrite, ou « polyneuropathie distale et symétrique », est une maladie qui touche les nerfs périphériques de façon distale et relativement bilatérale et symétrique. C’est une maladie qui est diffuse et qui ne touche donc pas qu’un seul nerf (ce serait alors une mononévrite ou mononeuropathie).
La polynévrite distale et symétrique est un processus diffus qui dépend de la longueur des nerfs et s’exprime donc en premier par des signes distaux, dans les orteils et les pieds. Les patients se plaignent le plus souvent de sensations bizarres d’engourdissements, de picotements… Ils peuvent également ressentir des brûlures ou des décharges électriques, qui correspondent dans ce cas à des « douleurs neuropathiques ». Cela peut aussi être une combinaison de ces symptômes.
Les symptômes d’une polynévrite peuvent apparaître soudainement mais se développent le plus souvent lentement en fonction de la cause. Ils commencent généralement dans les orteils et s'étendent lentement vers le haut et deviennent chroniques. Comme le type de lésions des nerfs périphériques et les symptômes sont assez bien corrélés, les polynévrites sont souvent classées en fonction de la partie du nerf qui est concernée de façon prédominante : la gaine de la fibre nerveuse (« myéline »), la fibre nerveuse (« axone ») ou le noyau de la cellule nerveuse. Dans certaines polynévrites, une atteinte des petits vaisseaux sanguins qui nourrissent le nerf (« vasa vasorum ») peut aussi être observée. Enfin, certaines polynévrites peuvent être héréditaires.
Un examen électromyographique (EMG) doit donc toujours être pratiqué car il permet d’analyser quelles sont les structures nerveuses qui sont atteintes dans les nerfs (axone, myéline ou noyau) afin d’identifier la cause, et préciser leur gravité.
Quelles sont les différentes causes de polynévrite ?
Une polynévrite ou polyneuropathie symétrique distale peut être causée par une multitude d'affections. Le diabète, ou le prédiabète, la consommation d'alcool, la carence en vitamine B12, les maladies héréditaires, une chimiothérapie, une insuffisance rénale chronique et une gammapathie monoclonale sont les affections les plus courantes de la polyneuropathie symétrique distale.
Le diabète est la cause la plus fréquente (entre un tiers et la moitié des polynévrites) et c’est une neuropathie dite « à grosses fibres » : il y a en effet, plusieurs types de fibres et les grosses fibres gèrent une partie de la sensibilité (tact et chaleur). Étant donné la fréquence élevée de l’atteinte des nerfs chez les diabétiques, des tests de dépistage sont réalisés systématiquement et régulièrement : ils testent la perception des vibrations à l'aide d'un diapason (de 128 Hz) et la sensation de pression à l'aide d'un test au monofilament (de Semmes-Weinstein). Ce sont les meilleurs tests cliniques pour dépister tôt les personnes atteintes d'une neuropathie à grosses fibres. Le diagnostic peut être difficile parce que ces patients n'ont de troubles qu'à la piqûre d'épingle et avec la température. De plus, les résultats des tests électromyographiques chez ces patients sont le plus souvent normaux au début.
L'alcool est la deuxième cause la plus fréquente de polynévrite, avec une atteinte neurologique chez les personnes qui en consomment quotidiennement depuis des décennies… mais la consommation précise d’alcool est souvent sous-évaluée sans un interrogatoire insistant.
Parmi les autres causes courantes de polynévrite, on peut retenir la carence en vitamine B12, les maladies héréditaires, certaines chimiothérapies, une insuffisance rénale chronique et les gammapathies monoclonales avec un anticorps qui attaque les cellules nerveuses périphériques.
À côté, les causes de la polyneuropathie symétrique distale sont nombreuses et comprennent les causes infectieuses (virales), inflammatoires, toxiques, vasculaires, auto-immunes (Gougerot-Sjögren),métaboliques, nutritionnelles, iatrogènes, néoplasiques (syndrome POEMS) et paranéoplasiques (en rapport avec une molécule produite par une tumeur type cancer du poumon à petite cellule).
La neuropathie héréditaire motrice et sensorielle (maladie Charcot-Marie-Tooth) est une cause souvent négligée de la polyneuropathie symétrique distale. Contrairement à la plupart des patients atteints de polyneuropathie, les patients atteints de la maladie de Charcot-Marie-Tooth ont souvent une faiblesse musculaire distale d’emblée, avec des troubles de l’équilibre précoces. Les arguments en faveur de ce diagnostic de polynévrite familiale comprennent des antécédents familiaux de neuropathie (en particulier en dehors du contexte du diabète), la présence d’orteils repliés « en marteau », une voûte plantaire augmentée (pied creux), des symptômes qui progressent lentement sur plusieurs années. La reconnaissance de la maladie de Charcot-Marie-Tooth est importante car le bilan diagnostique est différent et ce diagnostic a des implications pour les autres membres de la famille.
Au final, cependant, même après une recherche approfondie dans un service médical spécialisé, la cause de la polynévrite reste inconnue dans un peu plus d’un quart des cas et les médecins parlent alors de « polynévrite idiopathique ».
Quels sont les signes de la polynévrite ?
Au début, les patients se plaignent surtout d’engourdissements, de picotements, de douleurs neuropathiques (brûlures, décharges électriques…) ou une combinaison de ces symptômes qui commencent généralement de façon distale, dans les orteils, et remontent lentement vers le haut. La distribution des symptômes et des signes neurologiques est souvent décrite au moment du diagnostic comme ayant une topographie « en chaussette ». En général, il faut attendre que les symptômes atteignent le niveau des genoux avant qu’ils touchent également le bout des doigts aux membres supérieurs (les nerfs sont plus courts aux membres supérieurs qu’aux membres inférieurs) et ensuite au torse ou au crâne (les nerfs y sont plus courts qu’aux membres supérieurs).
La faiblesse musculaire (déficit moteur) est généralement un signe tardif dans la polynévrite distale et symétrique et est souvent remarquée pour la première fois devant une faiblesse de l'extension des orteils, puis d’un déficit de la dorsiflexion du pied (difficultés à marcher sur les talons) puis un déficit complet du releveur des pieds avec impossibilité de relever la pointe du pied avec risque de chute, le pied se prenant dans le moindre obstacle si le patient ne lève pas les pieds (ou « steppage »).
Une exception à cette règle est observée chez les patients atteints d’une polynévrite familiale comme la maladie de Charcot-Marie-Tooth : ils ont souvent une faiblesse musculaire distale comme signe précoce de la polynévrite. Un autre symptôme fréquent de Charcot-Marie-Tooth est le trouble de l'équilibre (ataxie »), qui peut entraîner des chutes et des fractures.
Quels sont les différents types de polynévrite ?
L’atteinte des différentes parties de la cellule nerveuse et les symptômes sont assez bien corrélés, les polynévrites sont donc souvent classées en fonction de la partie du nerf qui est concernée : la gaine (« myéline »), la fibre nerveuse (« axone ») ou le noyau de la cellule nerveuse, et c’est l’électromyogramme qui identifie laquelle de ces structures est atteinte. Dans certaines polynévrites, une atteinte des petits vaisseaux sanguins qui nourrissent le nerf (« vasa vasorum ») peut également être observée. Enfin, certaines polynévrites peuvent être héréditaires.
Les polynévrites avec atteinte de la myéline (« polynévrites démyélinisantes ») résultent le plus souvent d'une réponse immunitaire déclenchée par un agent infectieux : bactérie (Campylobacter sp), virus entérique ou grippal ou VIH, ou un vaccin (vaccin antigrippal). Les antigènes présents dans ces agents interagissent probablement avec ceux du système nerveux périphérique, provoquant une réponse immunitaire qui culmine à des degrés variables d'atteinte de la myéline. La démyélinisation survient généralement sur toute la longueur du nerf, entraînant une symptomatologie à la fois distale et proximale. Il peut exister une asymétrie droite-gauche et le haut du corps peut être touché avant le bas ou vice-versa. L'atteinte de la myéline entraîne habituellement des troubles sensitifs par atteinte des grosses fibres à type de sensation bizarres initialement, comme des fourmillements ou des picotements (« paresthésies »), une faiblesse musculaire importante non corrélée au degré d'atrophie musculaire (« amyotrophie ») et des réflexes significativement diminués.
Les axonopathies tendent à être distales et peuvent être symétriques ou asymétriques. Les axonopathies symétriques proviennent le plus souvent des troubles métaboliques ou toxiques. Les causes fréquentes comprennent donc le diabète, l’insuffisance rénale chronique, les effets indésirables de certaines chimiothérapie (vincristine…). Elles peuvent résulter de carences nutritionnelles (le plus souvent, en vitamine B1, B6, B12, ou E) ou d'apport excessif de vitamine B6 ou d'intoxication à l’alcool. Les causes métaboliques moins fréquentes sont l'hypothyroïdie, la porphyrie, la sarcoïdose et l'amylose. D'autres causes comprennent certaines infections (la maladie de Lyme), des médicaments (l'oxyde nitreux), et l'exposition à certaines substances chimiques (n-hexane) ou les métaux lourds (plomb, arsenic, mercure). Dans certains cancers du poumon à petites cellules, un syndrome paranéoplasique peut être associé : il est lié à la perte des ganglions radiculaires dorsaux et de leurs axones sensitifs induit une neuropathie sensitive subaiguë. Une axonopathie asymétrique peut provenir d'une encéphalomyélite ou de troubles vasculaires.
Une polyneuropathie peut être secondaire à l’atteinte des petits vaisseaux qui nourrissent normalement les nerfs : c’est l’atteinte des vasa vasorum. L'athérosclérose, les vascularites, les infections et les syndromes d'hypercoagulabilité du sang peuvent compromettre l'apport sanguin des nerfs, et ainsi provoquer un infarctus du nerf. Les sensations douloureuses et la perception de la température sont déficientes. L'atteinte des vasa vasorum causée par une vascularite ou des infections peut commencer par des multinévrites, qui, lorsque de nombreux nerfs sont affectés de manière bilatérale, peuvent ressembler à une polynévrite : plutôt asymétriques au début, si les lésions nerveuses s'étendent, la symptomatologie peut apparaître symétrique.
Quelles sont les complications des polynévrites ?
Les patients souffrant de polynévrite distale et symétrique sont exposés au risque de complications en rapport avec la perte du contrôle neurologique du bon fonctionnement des tissus (tout est régulé par le système nerveux) avec un risque d'ulcérations de la peau sur les points de pression, de surinfection et/ou de nécrose ultérieures qui peuvent conduire à des amputations, en particulier chez les patients diabétiques mal équilibré.
Des douleurs neuropathiques invalidantes à type de brûlures, de décharges électriques, de sensations d’étau… sont retrouvées chez environ un tiers des patients atteints de polynévrite et sont souvent méconnues et donc insuffisamment traitées (les antalgiques classiques ne marchent pas sur ces douleurs qui sont liées à un dysfonctionnement neurologique).
Des lésions des nerfs (petites fibres amyéliniques) qui sont chargés du contrôle du fonctionnement de nombreux organes digestifs ou vasculaires (« système nerveux végétatif ») peuvent conduire à de nombreuses complications liées à ce dérèglement : c’est la « dysautonomie ». La peau est atrophique, avec une perte des poils (« dépilation »), et brillante et ne transpire plus (« anhydrie »). Il y a des troubles vaso-moteurs distaux. La pression artérielle est mal régulée ce qui se manifeste par une baisse importante et transitoire de la pression artérielle lorsque le malade se lève brutalement (« hypotension orthostatique ») avec un risque de chute, de blessures et de perte de connaissance. Le mauvais contrôle et la mauvaise coordination des muscles de l’estomac et des intestins peut conduire à des dyspepsies ou à des troubles digestifs plus sévères : diarrhée, constipation. L’appareil uro-génital peut être concerné par la dysautonomie avec des troubles vésico-sphinctériens (perte d’urines ou de selles) ou sexuels (impuissance)
Quand faut-il évoquer une polynévrite ?
Il faut suspecter une polyneuropathie symétrique distale en cas de sensations bizarres ou de déficits sensitifs diffus, prédominant initialement aux pieds et aux membres inférieurs et/ou de faiblesse musculaire sans augmentation des réflexes ostéotendineux.
Comment diagnostiquer une polynévrite ?
Le diagnostic de polyneuropathie distale et symétrique est habituellement simple grâce à l’analyse du type et de la répartition des troubles neurologiques à l'interrogatoire et à l'examen clinique qui permettent de retrouver les atteintes sensitives et motrices distales et symétriques. Cette précision de la diffusion du processus oriente d'emblée le diagnostic étiologique. L’interrogatoire peut également rechercher une polyneuropathie familiale.
Un examen électromyographique (EMG) doit toujours être pratiqué pour éliminer une atteinte proximale comme une radiculopathie (polyradiculonévrite) et classer les polyneuropathies en fonction de la structure atteinte (axone, myéline ou noyau), ce qui est déterminant pour trouver la cause (polynévrite axonale, démyélinisante ou neuronopathie). L’EMG permet également de préciser la gravité.
Un examen du liquide céphalorachidien peut apporter quelques indications, mais le médecin demandera surtout des examens biologiques de débrouillage à l’aide d’une prise de sang comprenant au minimum : NFS, VS-CRP, glycémie à jeun et 2 heures après le repas, ionogramme sanguin, bilan hépatique, hémostase, électrophorèse des immunoglobulines à la recherche d'une gammapathie monoclonale.
Des tests de laboratoire supplémentaires (dosage de la vitamine B12, voire de la vitamine B6 ou B1, test de tolérance au glucose électrophorèse des protéines sériques avec immunofixation, une mesure de la TSH, anticorps antinucléaires, plombémie, plomburie…) ne sont nécessaires que lorsque la cause reste incertaine ou en présence de résultats atypiques tels que l'asymétrie, la non-dépendance à la longueur, l'atteinte motrice, l'apparition aiguë ou subaiguë et l'atteinte autonome importante.
Il est particulièrement important pour les médecins d'identifier les causes potentiellement traitables de la polyneuropathie symétrique distale.
Quelles sont les maladies qui ressemblent aux polynévrites ?
La plupart de ces neuropathies présentent des caractéristiques atypiques, telles que l'asymétrie, la non-dépendance à la longueur (des membres), une atteinte motrice, une apparition aiguë ou subaiguë et une atteinte dysautonomique importante, ou des localisations moins courantes des lésions nerveuses, telles que les neuropathies diffuses, non dépendantes de la longueur, les mononeuropathies multiples, les plexopathies et les neuropathies radiculoplexes. Les neuropathies périphériques de ce groupe comprennent le syndrome de Guillain-Barré, la polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique et la neuropathie démyélinisante associée à une paraprotéine, y compris le syndrome POEMS (polyneuropathie, organomégalie, endocrinopathie, gammapathie monoclonale et changements cutanés), la neuropathie motrice multifocale, la neuropathie vasculaire et l'amyotrophie diabétique.
Comment diagnostiquer une polynévrite liée à une atteinte de l’axone ?
Les polyneuropathies axonales « longueur-dépendantes » résultent d'une atteinte diffuse et symétrique intéressant les extrémités distales des fibres nerveuses les plus longues. Elles débutent donc, en distal, à l’extrémité des membres inférieurs, aux pieds. Lorsqu'elles atteignent les genoux, les manifestations peuvent toucher également les mains et lorsqu'elle atteint les coudes, la polynévrite touche alors les fibres de l'abdomen et du scalp (« atteinte en calotte »). Les troubles sensitifs initient souvent le tableau avec des fourmillements ou picotements (« paresthésies »), des brûlures (« dysesthésies »), qui sont permanents, diurnes et volontiers nocturnes. L'atteinte des grosses fibres myélinisées se traduit par des troubles de la sensibilité profonde. Au début, les troubles de la motricité provoquent des difficultés à la marche, une fatigabilité anormale. Secondairement, s'installent des déficits des muscles releveurs du pied avec un « steppage » (déficit symétrique des releveurs du pied). Il n'y a pas d'atteinte des muscles respiratoires ni des nerfs crâniens. Associés à ces troubles sensitivo-moteurs existent des troubles végétatifs (« dysautonomie ») qui sont liés à une atteinte des petites fibres amyéliniques et on peut observer une hypotension artérielle orthostatique, des troubles vésico-sphinctériens ou sexuels (impuissance), des troubles digestifs (diarrhée, constipation), une dépilation cutanée et troubles vaso-moteurs distaux. Leur présence évoque certaines causes telles que le diabète et l'amylose. L’examen clinique confirme l'atteinte symétrique, à prédominance distale, aux membres inférieurs : abolition des réflexes achilléens, déficit moteur affectant les releveurs du pied, amyotrophie, déficit sensitif qui peut être discret, atteinte végétative (peau et phanères, hypotension). La démarche pour rechercher la cause dépend de nombreux facteurs dont certains peuvent orienter comme l’âge, une atteinte chez l’enfant évoque une cause héréditaire), l’origine géographique (amylose familiale dont un foyer est au Portugal), le contexte de maladie générale (diabète, insuffisance rénale) ou de prise de médicament, et le mode d'installation déterminant (aigu, subaigu, chronique). Il faut rechercher une cause générale susceptible d'altérer la physiologie de l'axone : essentiellement les causes métaboliques et toxiques (dont les causes médicamenteuses), sans oublier l'amylose.
Le diabète est une des causes les plus fréquentes de neuropathie périphérique, pouvant atteindre 60 % chez les diabétiques anciens, surtout si le diabète est mal équilibré. Plusieurs mécanismes sont associés : facteurs vasculaires (augmentation de la perméabilité capillaire au niveau du nerf), facteurs métaboliques (sorbitol), facteurs inflammatoires (infiltrats de lymphocytes et de macrophages). Il existe un lien entre l'ancienneté de l'hyperglycémie et les neuropathies, qui apparaissent le plus souvent 5 à 10 ans après le début du diabète. La forme la plus souvent observée des neuropathies diabétiques est donc une polyneuropathie sensitivo-motrice distale, associée ou non à une atteinte dysautonomique. Survenant généralement chez des patients dont le diabète évolue depuis plus de 5 ans, le début en est généralement lentement progressif. Il s'agit au début d’engourdissements, de picotements et de brûlures (« paresthésies ») des pieds. L'examen révèle une disparition du réflexe achilléen et une baisse de la sensibilité (« hypoesthésie ») affectant la sensibilité à la chaleur et à la douleur (« sensibilité thermoalgique »), avec une répartition « en chaussettes », et plus tardivement une baisse de la sensibilité vibratoire. Les douleurs sont fréquentes (pieds et jambes), à type de constriction, de broiement avec allodynie au frottement à l'examen clinique. Les manifestations dysautonomiques dans les formes plus évoluées comportent des troubles cardiovasculaires (hypotension orthostatique, « cardiopathie autonome diabétique »), des troubles de la sphère digestive (constipation, douleurs abdominales, nausées, dysphagie, diarrhée et incontinence fécale), des troubles génito-urinaires (impuissance, atonie vésicale), des troubles de la motilité pupillaire et une anhydrose fréquente.
Parmi les causes médicamenteuses et toxiques de la polynévrite, les causes médicamenteuses sont les plus fréquentes. Il s'agit le plus souvent de polyneuropathies sensitives, parfois douloureuses. Les médicaments les plus souvent incriminées sont les anticancéreux cytostatiques (notamment la vincristine et les sels de platines (neuronopathies), la thalidomide (surveillance systématique), l'izoniazide, l'amiodarone, la nitrofurantoïne, les antirétroviraux, le disulfirame, la chloroquine, le métronidazole. L’électromyogramme est utilisé pour dépister les manifestations infracliniques, notamment pour permettre la poursuite de la thalidomide et des autres médicaments neurotoxiques. Les causes toxiques, plus rares, sont principalement d'origine industrielle (benzène) et peuvent se révéler de manière aiguë.
La polyneuropathie toxique alcoolique est la 2ème cause de polyneuropathie dans les pays industrialisés après le diabète : elle concernerait plus de 10 % des alcooliques chroniques. Elle est habituellement secondaire à la toxicité directe de l'alcool. L'association à une carence en thiamine (vitamine B1), avec ou sans carence en folates associée, est possible, à l’origine d'une expression à prédominance motrice de la neuropathie alors que la polynévrite alcoolique, si elle touche les fibres motrices, sensitives et végétatives, a traditionnellement une symptomatologie sensitive prédominante. S'installant de façon insidieuse et lentement progressive, la polyneuropathie liée à l'alcoolisme chronique se traduit au début par des paresthésies à type de fourmillements des pieds et « en chaussettes », des crampes nocturnes des mollets, une faiblesse motrice s'exprimant par une fatigabilité anormale à la marche. Après un certain temps d'évolution, le patient se plaint de douleurs en étau et surtout de brûlures avec paroxysmes, voire d'une hypersensibilité douloureuse (« hyperpathie »), surtout nocturne. Des troubles cutanés (dépilation, anhydrose, ongles cassants) sont fréquemment associés. L'examen clinique met en évidence une hypoesthésie symétrique, « en chaussettes », concernant les différentes sensibilités, moins marquée pour la sensibilité proprioceptive, avec une aréflexie calcanéenne, une amyotrophie et un déficit moteur prédominant sur les muscles de la loge antérolatérale de jambe. L’électromyogramme retrouve très tôt des anomalies de type axonale.
La polyneuropathie amyloïde (amylose héréditaire et primitive) est secondaire aux dépôts de substance amyloïde dans le nerf (préalbumine mutée au cours des amyloses héréditaires ou gammapathie monoclonale au cours des amyloses primitives). Elle doit être recherchée devant une polyneuropathie axonale chronique avec une riche expression dysautonomique, un syndrome du canal carpien et systématiquement en cas de contexte familial. Initialement marquées par un déficit de la sensibilité thermoalgique pouvant s'associer à des douleurs, les manifestations s'étendent ensuite aux membres supérieurs, au tronc avec des manifestations dysautonomiques. Le diagnostic est suggéré par le contexte familial (pas toujours présent) et est réalisé par la mise en évidence de la substance amyloïde dans la biopsie des glandes salivaires accessoires, la graisse abdominale, la biopsie anale ou la biopsie du nerf sensitif. Il est confirmé par le test génétique à la recherche d'une mutation sur le gène de la transthyrétine (préalbumine) : la plus fréquente est la mutation VAL/MET30.
Une mononeuropathie multiple est plus évocatrice de vascularite mais 20 à 30 % des vascularites prennent la forme clinique d'une polyneuropathie, même si le mécanisme est d’origine vasculaire (atteinte des petits vaisseaux des nerfs, les « vasa vasorum »). Lorsque la neuropathie est évoluée, l'asymétrie disparaît. Il importe de rechercher dans l'histoire clinique un début asymétrique aux membres inférieurs, avec atteinte du nerf fibulaire le plus souvent. Il s'agit d'une polyneuropathie plutôt subaiguë avec composante motrice et douloureuse. Le sida peut entraîner une polyneuropathie sensitive à la phase tardive de l'affection.
D'autres causes plus rares de polyneuropathies axonales sont possibles, telles que les dysthyroïdies.
Comment diagnostiquer une polynévrite liée à une atteinte de la gaine de myéline ?
Les polyneuropathies démyélinisantes sont moins fréquentes et la plus fréquente est la polyneuropathie à IgM monoclonale à activité anti-MAG qui survient chez les personnes de plus de 50 ans et est lentement progressive avec un début s’accompagnant de trouble de l’équilibre (« ataxie ») et d’un tremblement des mains, mais sans déficit moteur au début.
L’électromyogramme témoigne d’une polyneuropathie démyélinisante à prédominance distale et la prise de sang objective un pic d'IgM monoclonale à l’électrophorèse des protéines sériques dont le taux est faible, inférieur à 10 g/l (plus rarement supérieur à 10 g/l dans le cadre d'une maladie de Waldenström). La caractérisation de ce pic monoclonal retrouve un anticorps anti-MAG (Myelin-Associated Glycoprotein qui est constituant de la myéline).
À côté de la polyneuropathie à IgM monoclonale anti-MAG, mais à part, le «
syndrome POEMS
», qui est un acronyme en référence aux signes cliniques et biologiques cardinaux de cette affection (Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, Monoclonal plasma cell disorder, Skin Changes) : la neuropathie y prend généralement la forme clinique d'une polyradiculonévrite chronique. La cause en est un myélome ostéosclérosant ou mixte qui doit être recherché sur le rachis ou les diaphyses des os longs.
Certaines neuropathies héréditaires peuvent donner des polyneuropathgies démyélinisantes et elles sont dominées par les polyneuropathies sensitivo-motrices de Charcot-Marie-Tooth (CMT) : atrophie des mollets, pieds creux, atteinte sensitivo-motrice à prédominance motrice, avec peu ou pas de symptomatologie sensitive (« paresthésies »). L'évaluation diagnostique des patients soupçonnés d'être atteints de polyneuropathie de Charcot-Marie-Tooth évolue rapidement. Historiquement, les patients passaient un électromyogramme pour déterminer s'ils étaient atteints d'une variante démyélinisante (généralement CMT-1) ou axonale (généralement CMT-2). Les tests génétiques pour la maladie de CMT-1 produisaient des rendements élevés avec seulement quelques gènes testés. Les formes démyélinisantes autosomiques dominantes sont les mieux caractérisées et le diagnostic est porté par la recherche génétique d’une duplication du gène PMP22 sur le chromosome 17 dans les formes dominantes, anomalie du gène de la connexine 32 dans les formes liées à l'X. En revanche, les tests génétiques pour la maladie de CMT-2 nécessitaient de tester plusieurs gènes sans un rendement élevé de diagnostic. Cependant, les panels de séquençage de nouvelle génération et les approches de séquençage exomique et génomique complet deviennent rapidement moins coûteux, avec des rendements beaucoup plus élevés. Ces approches ont également le potentiel d'identifier de nouveaux gènes et de permettre une nouvelle analyse des variants à mesure que les informations bio informatiques deviennent plus robustes.
Comment diagnostiquer une polynévrite liée à une atteinte du noyau du neurone ?
Les polyneuropathies en rapport avec une atteinte du noyau des axones sont appelées les « neuronopathies sensitives ». Les neuronopathies sensitives correspondent à la dégénérescence du corps cellulaire des neurones sensitifs (dans la racine postérieure des nerfs spinaux). Elles sont caractérisées par des manifestations exclusivement sensitives, avec une atteinte typiquement asymétrique et non systématisée : elle concerne les quatre membres voire la face (25 % des cas) de manière synchrone ou asynchrone. L'ataxie est fréquente. L'aréflexie est diffuse et quasi constante. Les neuronopathies sensitives prédominent, soit sur les grosses fibres (ataxie), soit sur les petites fibres (troubles de la sensibilité thermoalgique). Elles ont le plus souvent un mécanisme dysimmunitaire. Le diagnostic est porté sur une atteinte sensitive pure clinique et une atteinte sensitive pure à l’électromyogramme : abolition diffuse des potentiels sensitifs sans anomalie des potentiels moteurs. L'analyse du liquide céphalorachidien par ponction lombaire montre une augmentation des protéines dans le liquide (« protéinorachie ») à plus de 1 g/l, une augmentation du nombre de cellules, qui évoque une origine paranéoplasique. La présence d'anticorps anti-Hu en immunologie est caractéristique d'un syndrome paranéoplasique.
Suivant les causes, leur évolution est chronique ou subaiguë. Les neuronopathies ont pour causes principales : le cancer du poumon à petites cellules dans le cadre d'un « syndrome paranéoplasique » (syndrome anti-Hu) : il convient de rechercher le cancer par les moyens les plus exhaustifs (scanner thoracique, biopsie, TEP-TDM) avec recherche d'anticorps antineuronaux (dont ceux de type Hu) doit donc être systématique au cours de toutes les neuronopathies sensitives. Une neuronopathie sensitive peut aussi être retrouvée au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren (recherche de syndrome sec oculaire et buccal, biopsie des glandes salivaires accessoires, biologie), d’une origine dysimmunitaire sans cause et d’une origine toxique (chimiothérapies à base de sels de platine).
Quels sont les principes du traitement d’une polynévrite ?
Le traitement des polynévrites dépend de leur cause, il est assez simple en cas de carence vitaminique, de cause toxique ou de maladie associée curable, mais la régression des troubles neurologiques peut être assez longue, voire être incomplète. Le corps cellulaire des neurones est au niveau de la colonne vertébrale et la repousse d’un axone, lorsque l’agression cesse, se fait au rythme de 1 à 3 mm par jour : on comprend bien alors que la disparition des troubles neurologiques aux pieds puisse prendre au moins 3 mois, et souvent plus.
Dans la polynévrite diabétique, les traitements antidiabétiques qui maintiennent le taux de sucre relativement normal dans le sang (« glycémie ») peuvent stabiliser voire améliorer certaines anomalies neurologiques (dans le diabète de type 1), donc le contrôle de la glycémie est efficace dans le cadre de la prévention de la polyneuropathie symétrique distale associée au diabète de type 1, par contre, il n'est au mieux que peu efficace dans le diabète de type 2 (atteinte multifactorielle). De nouveaux traitements anti-diabétiques et un dépistage précoce sont donc nécessaires pour prévenir et traiter cette neuropathie diabétique fréquente.
Le traitement de lapolyneuropathie toxique alcoolique associe l'administration parentérale de vitamines, surtout B1 en cas de carence, et un sevrage alcoolique complet, associé à un régime riche en protéines. En cas de douleurs importantes associées, l'utilisation d’antidépresseurs tricycliques et/ou d'antiépileptiques peut réduire les douleurs. Cette stratégie thérapeutique, associée à l'arrêt complet de l'intoxication alcoolique, permet une amélioration clinique et EMG, mais celle-ci peut s'étendre sur plusieurs mois.
Il n'existe actuellement aucun traitement pour la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Deux récents essais en double aveugle contrôlés versus placebo ont révélé que l'acide ascorbique n'est pas efficace pour le traitement de la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A (CMT-1A) malgré des données prometteuses chez l'animal. En revanche, deux récents essais en double aveugle contrôlés versus placebo chez des patients atteints de polyneuropathie amyloïde familiale sont prometteurs. Il a été démontré que le Diflusinal réduirait la progression de la neuropathie et préservait la qualité de vie. Le Tafamidis a révélé des résultats similaires dans le sous-groupe à efficacité évaluable, mais pas dans la population initiale et « en intention de traiter », qui était le principal critère d'évaluation.
Quel est le traitement de la douleur liée à la polynévrite ?
De nombreuses études ont porté sur le traitement pharmacologique de la douleur neuropathique dans la polyneuropathie symétrique distale secondaire au diabète. C’est une douleur très particulière, qui ne réagit pas aux traitements antidouleurs classiques et qui prend du temps : délai thérapeutique de plusieurs semaines à plusieurs mois entre la prise du traitement et le soulagement de la douleur.
Les principaux médicaments pour lesquels on dispose de preuves de haute qualité sont les antidépresseurs tricycliques tels que l'amitriptyline, la nortriptyline et l'imipramine, les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la norépinéphrine (IRSN) tels que la duloxétine et la venlafaxine, et les antiépileptiques, ligands des canaux calciques voltage-dépendants, tels que la gabapentine et la prégabaline. Les indications, les dosages et les modalités d’administration et d’association éventuelle sont définis dans les recommandations 2011 de la société américaine de neurologie, l'AAN, et dans les recommandations actualisées 2010 de la Fédération européenne des sociétés de neurologie (EFNS) (basées sur des examens systématiques nécessitant de multiples études de bonne qualité).
Les antidépresseurs tricycliques, les IRSN et les antiépileptiques ligands des canaux calciques voltage-dépendants ont tous des preuves solides pour réduire la douleur neuropathique, en particulier chez les patients atteints de polynévrite diabétique, mais la douleur est sous-estimée et insuffisamment traitée dans cette population.
La polynévrite en France
La polynévrite est une affection très répandue, qui touche 2 à 7% de la population. Les patients ressentent fréquemment des sensations bizarres et des douleurs et sont exposés à des risques de chutes, d'ulcérations et d'amputations.
Les liens de la polynévrite
Le site de l’association CMT France (Charcot-Marie-Tooth)
https://www.cmt-france.org/
Les liens de la polynévrite
- Diabète et nerfs : une neuropathie insidieuse qui devient douloureuse
- Diabète de type 1 : une maladie qui bénéficie déjà du pancréas artificiel
- Diabète de type 2 : le traitement permet de réduire le risque cardiovasculaire et la mortalité
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- Vascularites : fièvre, fatigue et souffrance d’organes
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