Migraine : la douleur n’est pas une fatalité neurologique
La migraine est une douleur de la tête de type « neuro-vasculaire », caractérisée par des crises de maux de tête, pulsatiles et unilatéraux. Il s’agit d’une céphalée liée à une vulnérabilité génétique et à des facteurs environnementaux. Une personne migraineuse sur 2 ignore qu’elle l’est et pense que ses maux de tête sont une fatalité.
Des mots pour les maux
Les maux de tête sont appelés « céphalées » par les médecins. Au cours de la migraine, on observe des « crises migraineuses ».
On distingue deux principaux types de crises migraineuses : les crises de migraine « sans aura » et celles « avec aura ».
Les crises de migraine, si elles se répètent trop souvent, sont appelées « maladie migraineuse ». L’aura est un dysfonctionnement neurologique transitoire et entièrement réversible.
Qu'est-ce que la migraine ?
• La migraine se caractérise par des crises de maux de tête (ou « céphalées »), répétées à intervalles plus ou moins proches. Elle est due à une excitabilité anormale des cellules nerveuses (« neurones »). Cette « excitabilité neuronale » est liée à une vulnérabilité génétique (existence de variations génétiques dans la famille) qui s’exprime en présence de certains facteurs environnementaux.
La plupart des personnes ont seulement des migraines de temps à autre (« migraine épisodique ») et certaines en ont presque chaque jour (« migraine chronique » ou « maladie migraineuse »). On distingue deux principaux types de crises migraineuses : les crises de migraine « sans aura » et celles « avec aura ».
• La plupart du temps, les personnes migraineuses ont des crises de « migraine sans aura ». La céphalée est souvent précédée de signes annonciateurs ou « prodromes » (troubles de l'humeur, sensation de faim, fatigue…).
Ces migraines se présentent comme une céphalée gênante avec un mode d'apparition rapidement progressif (maximal en quelques heures), pouvant réveiller le patient, notamment en fin de nuit, et qui dure entre 4 et 72 heures sans traitement (en moyenne 12 à 24 heures).
Typiquement, la douleur a au moins deux des quatre caractères suivants :
- La douleur est unilatérale (d'un seul coté du crâne), temporale ou au niveau de l’orbite de l’œil, avec alternance du côté atteint selon les crises.
- La douleur est pulsatile (impression de « sentir des battements dans la tête »).
- La douleur a une intensité modérée (gênant les activités usuelles) à sévère (nécessitant de se coucher).
- La douleur est aggravée par les mouvements (tels que monter des escaliers) ou la concentration intellectuelle.
La céphalée migraineuse typique aussi est associée à des troubles digestifs (nausées ou vomissements) ou à une sensibilité accrue à la lumière (« photophobie ») et au bruit (« phonophobie »). La moitié des migraineux a des douleurs bilatérales. La récupération est complète à la fin de la crise.
Le diagnostic de migraine ne peut être porté qu'après plusieurs crises (au moins cinq).
• Chez près d’un tiers des malades, la migraine est précédée ou s’accompagne d’une « aura ». L’aura est un trouble neurologique transitoire et entièrement réversible.
Les auras typiques correspondent à des troubles visuels (« migraine ophtalmique »), sensitifs et/ou des troubles du langage. Ces troubles apparaissent lentement, de manière progressive, sur plusieurs minutes (au moins 5 minutes), réalisant la classique « marche migraineuse » avec régression complète en moins d'une heure, avant ou parallèlement à la céphalée.
Les troubles visuels (« aura visuelle ») sont les plus fréquents (90 % des cas) et consistent en la vision de points lumineux, de taches colorées, de zigzags ou de rayures dans l’image, une perception déformée des objets, une vision floue ou même une perte d’une partie du champ de vision.
Moins souvent, il peut aussi s’agir, de fourmillements ou d'engourdissement d'une main ou du visage (« aura sensitive »), ou encore, plus rarement, de difficultés às’exprimer avec une élocution difficile (manque du mot ou « paraphasies »).
Il existe d'autres sous-types de migraines avec aura plus rares, comme la « migraine hémiplégique familiale », la « migraine basilaire » ou encore les « auras migraineuses sans céphalée », ces dernières étant plus fréquentes chez le sujet âgé et posant des problèmes diagnostiques.
• Chez l’enfant, la migraine prend une présentation particulière : la douleur dure moins longtemps, elle est plus souvent bilatérale et elle est précédée par une pâleur du visage.
Les troubles digestifs (vomissements, douleurs abdominales) associés sont plus fréquents et plus prononcés que chez l’adulte. Ils peuvent même parfois être au premier plan par rapport à la céphalée. Ce que l’on appelait avant « crises de foie » sont aujourd’hui considérées comme de véritables crises de migraine.
La « migraine abdominale » est cependant un diagnostic d’exclusion : épisodes paroxystiques de douleurs abdominales modérées à intenses durant 1 à 72 heures, généralement diffuses ou mal localisées, avec anorexie, nausées, vomissements, pâleur.
Chez la moitié des migraineux, la durée de la crise ne dépasse pas six heures et peut être raccourcie avec les traitements actuellement disponibles. Chez environ 10 % des malades, elle peut dépasser 48 heures.
La fréquence des crises peut quant à elle varier de quelques épisodes par an à plusieurs par mois, générant des maux de tête plus de quinze jours par mois.
Quelles sont les causes de la migraine ?
La migraine est un désordre qui touche à la fois le système nerveux et les vaisseaux du cerveau. Il est d’origine génétique et se traduit par une vulnérabilité familiale qui nécessite des facteurs environnementaux pour que la maladie apparaisse.
Le caractère familial et héréditaire de la migraine est connu depuis longtemps et semble surtout important dans les migraines avec aura. Il n’existe pas un gène particulier de la migraine, mais une susceptibilité qui dépend de l’association de plusieurs variants génétiques : plus d'une douzaine de gènes de susceptibilité à la migraine ont été identifiés. Ils codent notamment pour des protéines impliquées dans des mécanismes qui assurent la transmission des signaux nerveux (comme la « régulation glutamatergique »).
Des facteurs environnementaux sont nécessaires pour que la migraine apparaisse chez la personne génétiquement vulnérable, mais ceux-ci ne sont pas connus. Par ailleurs, les crises sont généralement déclenchées par des facteurs qui sont tous en rapport avec un changement d’état : il peut s'agir de variations émotionnelles (négatives ou positives comme la « migraine du week-end »), de variations physiques (surmenage ou relâchement, effort physique inhabituellement intense), de modifications de la quantité de sommeil (dette ou excès de sommeil), de variations hormonales (chute des taux d'œstrogènes en période menstruelle dans la « migraine cataméniale »), de variations climatiques (chaleur ou froid, vent violent), de variations sensorielles (lumière clignotantes, décor rayé d’une pièce ou odeurs fortes) ou d’irrégularités « alimentaires » (sauter un repas avec hypoglycémie de la mi-journée, repas lourd, chocolat, vin blanc…). Ces facteurs varient d’une personne à l’autre, ils sont inconstants chez la même personne et ils peuvent parfois être associés et changer au cours de la vie. Le rôle du médecin est de sensibiliser le malade à de tels facteurs afin que celui-ci y soit attentif et les identifie lors des crises suivantes. L'éradication de ces facteurs est indispensable dans une démarche de prévention même si c’est plus ou moins facile, notamment au travail.
Il existe une forme très rare de migraine, dénommée « migraine hémiplégique familiale », qui a une transmission « autosomique dominante ». Dans cette forme particulière de migraine, la crise est caractérisée par une aura avec un déficit moteur associé à d’autres signes (troubles sensitifs, visuels ou du langage). Dans ce cas particulier, la maladie dépend d’un seul gène : dans une famille atteinte, toutes les personnes affectées portent la même mutation sur le même gène. La transmission de la maladie se fera sur un mode autosomique dominant (« monogénique »), ce qui signifie qu’une personne malade a 50 % de risque de transmettre la mutation à chacun de ses enfants. Cependant, ceux-ci ne seront pas forcément malades car la mutation ne s’exprime pas obligatoirement (« pénétrance incomplète »).
A quoi est due la douleur lors de la migraine ?
La céphalée migraineuse est liée à l’activation du « système trigémino-vasculaire ». Celui-ci comprend les « nerfs trijumeaux » qui innervent les méninges et les vaisseaux intracrâniens. Cette activation libère des protéines avec un impact neurologique, les « neuropeptides », qui provoquent une vasodilatation au niveau des méninges et une inflammation des cellules nerveuses (les « neurones »). Il existe, par ailleurs, une activation anormale au niveau du tronc cérébral et de la zone hypothalamique, qui contribue au déclenchement et au maintien du circuit douloureux.
L'aura migraineuse commune est la traduction clinique d'un « dysfonctionnement cortical transitoire » à point de départ occipital (trouble visuel), ou pariétal (trouble sensitif). Celui-ci se propage de proche en proche vers l'avant (« dépression corticale envahissante »). Certaines études conduites chez l’animal ont montré que des vagues de « dysfonctionnement transitoire du cortex cérébral » pouvaient déclencher l’activation du tronc cérébral via le système trigémino-vasculaire, ce qui expliquerait un lien entre aura et céphalée migraineuse pour les malades ayant des migraines avec aura.
A quoi correspond une aura au cours de la migraine ?
L’aura migraineuse est probablement provoquée par un « dysfonctionnement transitoire du cortex cérébral » (la zone du cerveau traitant de la pensée et des perceptions conscientes) qui entraîne une vague lente de dépolarisation des cellules nerveuses (« neurones »). Celle-ci progresse de l’arrière du cerveau vers l’avant.
Cette « dépression corticale envahissante » est observable en IRM fonctionnelle au cours de crises de migraine avec aura spontanée. La vague de dépolarisation entraîne une baisse transitoire de l’activité des neurones, avec une légère diminution du débit sanguin cérébral. Cela explique l’apparition des troubles neurologiques visuels, sensitifs, du langage ou la faiblesse ressentie par les malades.
Qu’est-ce que la migraine cataméniale ?
Un des plus importants facteurs déclencheurs de la crise de migraine est le cycle hormonal féminin. Les « migraines menstruelles » sont des crises sans aura déclenchées par la chute du taux d’une hormone, l’œstradiol, qui survient normalement en fin de cycle. Ces migraines cataméniales surviennent donc entre J-2 à J+3 (J1 étant le premier jour des règles).
La migraine cataméniale « pure », comportant exclusivement des crises menstruelles, est rare (7 % des migraineuses). En revanche, une migraineuse sur trois a des crises menstruelles associées à d’autres crises pendant le cycle.
Si les crises menstruelles sont fréquentes et sévères, un traitement prophylactique peut être débuté deux ou trois jours avant l’apparition prévue de la crise et en fonction du cycle hormonal.
Quelles sont les complications de la migraine ?
• Certaines personnes souffrent de céphalées chroniques quotidiennes, bien au-delà de 72 heures, ce qui correspond à un « état de mal migraineux ». Il s’agit le plus souvent d’une migraine chronique avec céphalée de tension surajoutée ou d’une migraine compliquée d’abus médicamenteux. L’état de mal migraineux se déclenche le plus souvent chez les migraineux qui souffrent de crises très fréquentes et consomment des antidouleurs spécifiques (l’ergotamine ou le tartrate d’ergotamine) ou des triptans, plusieurs jours par semaine. Un sevrage, souvent au cours d’une hospitalisation, est nécessaire pour mettre un terme à ce qui s’apparente à un cercle vicieux. Cette situation est souvent le signal de l’instauration d’un traitement de fond pour diminuer la fréquence des crises.
• Un « infarctus migraineux » est une complication rarissime qui peut être évoquée en cas de survenue d’un « accident vasculaire cérébral ischémique » chez une personne souffrant de migraine avec aura. Il est possible d’évoquer ce diagnostic si l'accident vasculaire se produit dans le territoire cérébral correspondant au territoire responsable des auras habituelles et si toutes les explorations (scanner, IRM, doppler…) sont négatives et qu’aucune autre cause ne peut expliquer l’infarctus cérébral.
• Certaines recherches ont montré que des crises très fréquentes de migraine pouvaient être associées à des « remaniements neuronaux » dans le cerveau, notamment dans les centres de contrôle de la douleur, mais les conséquences de ces remaniements sont inconnues.
• Il a également été observé de petites « anomalies de la substance blanche cérébrale » (hyper-signaux non spécifiques en IRM) qui sont plus fréquents chez les migraineux avec aura, que chez les non migraineux mais qui semblent sans conséquences fonctionnelles.
Quand faut-il évoquer une migraine ?
Si les maux de tête surviennent souvent, s’ils se manifestent d’un seul côté de la tête, si la douleur est de type « pulsatile », comme des « coups de marteau », si elle s’accompagne de nausées, voire de vomissements, et si l’on observe une plus grande sensibilité à la lumière au cours des crises (« photophobie »), il y a de fortes chances qu’il s’agisse d’une migraine.
Comment faire le diagnostic de migraine ?
Le diagnostic de migraine repose sur l'interrogatoire et la normalité de l'examen clinique.
L'objectif est d'identifier des accès de maux de tête caractéristiques, séparés par des intervalles libres. Aucune investigation complémentaire n'est nécessaire lorsque la sémiologie est typique.
Un ensemble de critères pour diagnostiquer la migraine a été établi par l’International Headache Society (IHS). Ils comprennent un certain nombre de signes qui sont énumérés ci-dessous.
Critères de la migraine selon l'IHS.
1. Migraine sans aura
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A. Au moins cinq crises répondant aux critères B à D |
B. Durée entre 4 et 72 heures (sans traitement) | |
C. Céphalée ayant au moins deux des caractéristiques suivantes : • Unilatérale • Pulsatile • Modérée ou sévère • Aggravation par les efforts physiques de routine |
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D. Durant la crise, au moins un des caractères suivants : • Nausées et/ou vomissements • Photophobie et phonophobie |
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E. Non attribuable à une autre affection |
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2. Migraine avec aura
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A. Au moins deux crises répondant aux critères B à D |
B. L'aura comprend au moins un des symptômes suivants mais pas de déficit moteur : • Symptômes visuels entièrement réversibles, incluant des phénomènes positifs (tâches ou lumières scintillantes) et/ou négatifs (perte de vision) • Symptômes sensitifs entièrement réversibles incluant des phénomènes positifs (fourmillements) et/ou négatifs • Troubles du langage de nature dysphasique et entièrement réversibles |
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C. Au moins deux des caractéristiques suivantes : • Symptômes visuels homonymes et/ou symptômes sensitifs unilatéraux • Au moins un symptôme de l'aura se développe progressivement en au moins 5 minutes et/ou les différents symptômes de l'aura surviennent successivement en au moins 5 minutes • Chaque symptôme dure au moins 5 minutes et moins de 60 minutes |
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D. Céphalée satisfaisant les critères B-D de la migraine sans aura et débutant pendant l'aura ou dans les 60 minutes suivant l'aura | |
E. Non attribuable à une autre affection |
Si ces critères s’appliquent à l’état du malade et que l’examen clinique est normal, il n’y a pas besoin d’analyses de sang, ni de scanner, ni d’imagerie par résonance magnétique (IRM), pour établir le diagnostic.
Si l’examen clinique est anormal, il pourrait être nécessaire de passer d’autres examens pour s’assurer que le mal de tête n’est pas causé par une autre maladie. C’est souvent le cas au cours de la « migraine basilaire » où il existe des troubles visuels (« diplopie »), une ataxie, des troubles de la vigilance, voire un coma…
Il s'agit d'une forme rare de migraine, souvent très bruyante, qui impose des explorations complémentaires en urgence pour éliminer une autre pathologie.
Avec quoi peut-on confondre une migraine ?
En cas de migraine sans aura, de nombreuses maladies doivent être éliminées :
• La douleur d’une « céphalée de tension » est différente de celle d’une céphalée migraineuse : elle est plus diffuse qu’en cas de migraine, elle est continue et non pulsatile, peu ou moyennement intense et sans signes digestifs associés.
La céphalée de tension, plus répandue que la migraine, affecterait 20 à 40 % des adultes. Une personne migraineuse peut avoir des céphalées de tension entre deux crises. Il est important de discerner les deux car le traitement spécifique de la migraine n’a pas d’effet sur la céphalée de tension.
• Une « algie vasculaire de la face » peut être évoquée si la douleur est intense : les maux de tête y sont unilatéraux et toujours situés du même côté du visage, respectant la ligne médiane, mais la douleur est insupportable et s’accompagne d’une agitation, le malade cherchant désespérément une position ou un endroit où la douleur serait plus supportable. Il s’y associe une chute de la paupière, avec un œil rouge et larmoyant, et parfois une pupille contractée, avec une congestion nasale.
• Une « névralgie du trijumeau » s’exprime par des douleurs unilatérales qui ne sont ressenties que sur une partie du visage correspondant à l'un des territoires sensitifs du trijumeau. Elles sont fulgurantes, très intenses, à type de brûlures, broiement, éclatement ou de décharges électriques, ressenties typiquement durant quelques secondes à quelques minutes.
Elles surviennent par salves lors d'une période douloureuse (qui peut durer plusieurs heures). Les périodes douloureuses sont entrecoupées de périodes d'accalmie, sans aucun signe, qui peuvent durer des années.
Les douleurs sont déclenchées par le simple effleurement d'une zone cutanée dite « zone-gâchette » (« trigger zone »), dont la localisation dépend de l'individu (peau, dent, gencive, mâchoire,…).
• Il faut éliminer une infection des méninges, les enveloppes du cerveau et de la moelle épinière, ou « méningite », en particulier en cas de fièvre avec une photophobie, mais la céphalée y est plus globale et continue et il existe une raideur méningée associée (raideur de la nuque).
• Un « syndrome d’hypertension intracrânienne » peut être évoqué, en particulier en cas de céphalées avec vomissements, mais les céphalées y sont diminuées par les vomissements.
• Une « tumeur du 3e ventricule », exceptionnelle, peut provoquer des céphalées paroxystiques associées à des nausées, vomissements et troubles de la conscience.
• Chez le sujet âgé, il ne faut pas oublier d’éliminer une « maladie de Horton » où la céphalée est unilatérale mais temporale, s’associant souvent à une claudication des mâchoires lors des repas, une abolition du pouls temporal et un « signe du peigne » (douleur lors du peignage des cheveux en regard de la zone inflammatoire temporale). Il existe un syndrome inflammatoire très marqué.
• La « surconsommation de médicaments » (spécifiques ou non de la migraine) induit une accoutumance avec majoration des céphalées, induites par la prise abusive de médicaments, qui pousse à l'augmentation des doses. Le cercle vicieux peut être difficile à rompre, menant à des céphalées chroniques quotidiennes.
En cas de migraine avec aura, les problèmes de diagnostic se posent uniquement s’il s’agit d’une aura sans maux de tête. Dans ce cas, il faut éliminer :
• Un « accident ischémique transitoire », mais l’installation y est plus soudaine avec un déficit neurologique qui est d'emblée maximal mais une absence de symptômes positifs.
• Une « crise d'épilepsie partielle » a une durée des signes neurologiques plus courte qu'au cours de l'aura migraineuse.
Au moindre doute, il est cependant indispensable de réaliser des examens complémentaires (IRM, EEG).
Quand faut-il consulter son médecin ?
En cas de migraine, il est nécessaire de consulter son médecin traitant en cas de :
• Grossesse ou contraception hormonale,
• Présentation atypique de la migraine,
• Retentissement important de la migraine sur la vie sociale et professionnelle,
• Suivi d’un traitement qui contre-indique les anti-inflammatoires non stéroïdiens (anticoagulants),
• Nécessité de prise des médicaments contre la douleur plus de trois jours par semaine,
• Crises devenant plus fréquentes et/ou plus intenses,
• Existence d’effets indésirables et secondaires au traitement entrepris.
Que faire en cas de migraine ?
Pour diminuer la douleur liée à la migraine, il est possible d’adopter quelques attitudes apaisantes et il faut prendre des médicaments antidouleur (« antalgiques ») ou des anti-inflammatoires.
Dès les premiers signes annonciateurs d’un épisode migraineux, il faut adopter certains comportements qui peuvent atténuer son intensité :
• Il faut s’allonger dans une pièce calme et sombre.
• Il est possible de se mettre un linge froid sur le front.
• Il faut boire de l’eau pour éviter de se déshydrater, surtout en cas de vomissements.
Afin de soulager la douleur au plus vite, il faut prendre, soit du paracétamol (qui a cependant une efficacité très modérée sur la douleur), soit de l’aspirine ou un anti-inflammatoire non stéroïdien ou « AINS » (ibuprofène, kétoprofène).
Pour une meilleure efficacité, il faut prendre le médicament le plus tôt possible, idéalement dès le début de la crise. Certains malades ont une modification de l’absorption des médicaments au cours de la crise, ce qui incite encore plus à les prendre le plus tôt possible, dès les premiers signes annonciateurs de la crise (« prodromes »).
Pour éviter les récidives, il faut toujours essayer de supprimer les facteurs qui déclenchent habituellement les crises et il faut adopter une bonne hygiène de vie.
Quel est le traitement de la migraine ?
Il n’existe pas de traitement qui guérisse définitivement la migraine (« traitement curatif »). Le traitement de la maladie repose sur l'éviction des facteurs déclenchants modifiables (surtout ceux associés aux rythmes du sommeil et des repas), le traitement des crises et, chez certains migraineux, leur prévention par un traitement de fond à prendre quotidiennement.
Le traitement de crise est destiné à limiter la sévérité et la durée de la céphalée migraineuse. Il doit être pris le plus tôt possible au début de la crise. Le traitement de fond est destiné à diminuer la fréquence des crises. Il est prescrit aux personnes ayant des crises fréquentes (2 par mois ou plus), intenses, longues et/ou entraînant une consommation excessive de médicaments de crise.
Pour le traitement de la crise, deux classes thérapeutiques sont recommandées par les sociétés savantes de la migraine : dans la moitié des cas, les anti-inflammatoires non-stéroïdiens pris contre les maux de tête marchent aussi contre la migraine, et l’autre moitié des malades peut bénéficier des triptans, qui marchent mieux que les dérivés de l’ergot de seigle (ceux-ci exposant à une vasoconstriction sévère en cas de surdosage).
• L'aspirine (500 mg à 2 g), éventuellement associée à du métoclopramide et les AINS (naproxène, ibuprofène…) sont les traitements habituels en cas de crise modérée. Le paracétamol (1 gramme toutes les 4 heures jusqu’à 4 grammes par jour) est une alternative mais est souvent moins efficace et peut favoriser les abus médicamenteux. Les antalgiques opiacés ne sont pas conseillés en raison du risque de surconsommation qui entraîne, après quelques mois, une céphalée chronique par abus médicamenteux. Il ne faut pas dépasser 8 jours de prise par mois pour éviter l’abus médicamenteux. L’association d'un triptan et d'un AINS peut être utile chez un malade dont les crises ne sont pas soulagées par un triptan seul.
• Les triptans sont des traitements spécifiques de la céphalée migraineuse mais sont cependant inefficaces chez certains malades. Ce sont des agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1B/1D qui agissent sur le « système trigéminovasculaire ».
Le premier du genre a été le sumatriptan (en comprimé, en injection ou en spray nasal), il en existe désormais d’autres (zolmitriptan, eletriptan, almotriptan, naratriptan…).
Il est parfois nécessaire d’en essayer plusieurs avant d’en trouver un qui soit efficace. Il est conseillé d’essayer un triptan pendant 3 ou 4 crises avant de voir s’il est efficace et éventuellement d’en changer (après avis du médecin).
Le triptan doit être pris dès le début de la crise, mais pas pendant l’aura, car il n’est pas efficace sur l’aura. Les triptans sont le plus souvent bien tolérés, mais ce sont des vasoconstricteurs qui sont donc contre-indiqués en cas de problèmes vasculaires (antécédent d’infarctus du myocarde, d'angor, d’accident vasculaire cérébral, d'hypertension non contrôlée…).
• L’association d'un triptan et d'un AINS peut être utile chez un malade dont les crises ne sont pas soulagées par un triptan seul.
La prise ne doit se faire qu'au moment des crises mais le plus précocement possible. Le traitement est efficace sur la céphalée et ses signes d'accompagnement, mais pas sur l'aura migraineuse.
L'association à un antiémétique permet de diminuer les nausées et pourrait favoriser l’absorption en cas de troubles digestifs associés. En cas de nausées ou vomissements précoces, une autre voie que la voie orale doit être proposée (nasale, rectale ou injectable).
• La prescription ne dispense pas le patient d'une mise au repos dans le calme, parfois l'obscurité.
• D’autres traitements spécifiques de la crise et non vasoconstricteurs sont à l’étude : les gépans, qui sont des antagonistes du CGRP (un messager de la douleur libéré dans le système trigéminovasculaire), et les ditans qui sont des agonistes sérotoninergiques pour le récepteur 5HT1F, dérivés des triptans.
Si les crises sont très fréquentes (au moins deux à trois par mois), longues, intenses, mal soulagées par un traitement optimal de la crise, ou encore si les traitements sont consommés plus de 5 à 7 jours par mois, il est nécessaire d’envisager un traitement de fond.
• Plusieurs médicaments appartenant à des classes thérapeutiques très différentes ont une efficacité démontrée au cours d’essais thérapeutiques contrôlés contre placebo. C’est le cas de certains bêta-bloquants (comme le propranolol ou le metoprolol) ou d'autres molécules utilisées dans le traitement de l’hypertension artérielle (inhibiteurs calciques tels que le vérapamil), de certains antidépresseurs tricycliques (comme la nortryptiline), de certains médicaments agissant sur les récepteurs à la sérotonine (oxétorone) ou encore d’antiépileptiques (topiramate, acide valproïque, gabapentine ou prégabaline).
• Il est actuellement recommandé d'utiliser en première intention l'une des quatre molécules suivantes : propranolol, metoprolol, oxétorone, amitriptyline (dans le respect de leurs contre-indications).
• La dihydroergotamine est moins utilisée en raison de son risque de surdosage, surtout en cas de prise concomitante d’un autre dérivé de l’ergot de seigle, d’un triptan, d’un antibiotique de type macrolide ou d’un anti-protéase.
• Le méthysergide est un traitement de fond qui a été utilisé longtemps car très efficace, mais dont la dose doit être ajustée au quart de comprimé près. Une interruption de ce traitement doit être effectuée tous les 3 mois en raison de son risque d’induction d’une fibrose rétropéritonéale.
• L’utilisation de la toxine botulique peut être une alternative chez des patients très handicapés par une migraine chronique, avec plus de quinze jours de céphalées par mois pendant au moins trois mois successifs, et non soulagés par les traitements de fond médicamenteux classiques. Ce traitement, dont l'efficacité a été démontrée dans des essais randomisés, consiste en de multiples injections réalisées tous les trois mois dans différents muscles du crâne et de la face. L'usage de la toxine botulique en prévention de la migraine chronique a été approuvé dans de nombreux pays européens, mais pas encore en France.
• La stimulation magnétique transcrânienne ou la stimulation du grand nerf occipital sont également intéressantes chez certains patients. La stimulation magnétique transcrânienne consiste à appliquer pendant plusieurs minutes un stimulateur sur la tête du patient en cas d’aura. Les impulsions magnétiques modifient le fonctionnement électrique des neurones et préviennent la céphalée.
• Enfin, certaines thérapeutiques non médicamenteuses sont indiquées même si les preuves scientifiques de leur efficacité sont limitées, voire inexistantes, faute de vrai placebo. Les meilleures démonstrations ont eu lieu avec la relaxation qui est recommandée chez l’enfant et chez tous les malades qui font un lien entre la survenue de crise de migraine et un état de stress, de tension physique ou psychique. L’acupuncture semble avoir un effet chez certaines personnes et peut être proposée à tous les migraineux qui ne souhaitent pas de traitement de fond médicamenteux ou en complément de celui-ci.
Quel est le traitement de l’état de mal migraineux ?
L’état de mal migraineux est défini par une crise (ou plusieurs crises successives sans rémission) qui persiste au-delà de 72 heures.
Il est souvent favorisé par un abus médicamenteux et/ou un syndrome anxiodépressif sous-jacent.
Le traitement fait appel, en l'absence de contre-indication (pas de dérivés ergotés depuis 24 heures au moins), à une injection de sumatriptan en sous-cutané.
En cas d'échec, il faut prévoir une hospitalisation pour réhydratation, perfusion de tricycliques (en association à un antiémétique) et un sevrage rapide des médicaments pris de manière abusive.
Quel est le traitement de la migraine cataméniale ?
La migraine cataméniale est caractérisée par la survenue de crises de migraine exclusivement lors des règles, chez des femmes ayant un cycle hormonal régulier.
Si les crises menstruelles sont fréquentes et sévères, un traitement prophylactique peut être débuté deux ou trois jours avant l’apparition prévue de la crise et en fonction du cycle hormonal.
Il repose le plus souvent sur la prise d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), ou sur l’administration d’une hormone, l’œstradiol, par voie topique (per cutanée) pendant 8 jours.
En cas d’échec de ces traitements, une prophylaxie est réalisée par une supplémentation hormonale continue qui va inhiber l’ovulation (contraceptifs oraux combinés en prise continue, implants de progestérone…).
Comment vivre avec une migraine ?
Une des choses les plus importantes qu’une personne migraineuse puisse faire pour réduire l’impact de la maladie migraineuse sur sa vie quotidienne et professionnelle est d’identifier les facteurs déclenchant les crises.
Ce point est critique car 90 % des malades migraineux rapportent que leurs troubles sont causés par des facteurs déclenchants : le stress, des repas irréguliers, trop ou trop peu de sommeil, certains aliments comme le chocolat, le fromage, l’alcool, le café, les changements de temps.
Les migraineux doivent cependant se garder de conduites d'évitement trop systématiques, et ils doivent d’abord bien identifier avec un « journal de la migraine » quels sont précisément ces facteurs : il faut vérifier que l’évitement du facteur déclenchant réduit la fréquence des crises et qu’il les re-déclenche s’il n’est plus évité (« test de réintroduction »).
Il faut faire chaque éviction et chaque réintroduction avec un facteur à la fois, car les facteurs sont souvent associés. Un test d’éviction mal adapté rendrait les évictions multiples plus inconfortables que la migraine elle-même.
Il ne faut pas hésiter à se faire aider par un neurologue spécialiste de la migraine en cas de difficulté.
La migraine est la plus fréquente des céphalées primaires en France et on estime qu’elle touche 10 à 15 % de la population générale.
Elle est 2 à 3 fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme.
Les liens
Le site de l’INSERM
http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/migraine
Les liens PourquoiDocteur
La migraine expliquée aux ados
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Lombalgie, maux de tête : les opioïdes font plus de mal que de bien
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