Dépression : une tristesse et une perte du plaisir qui durent
La dépression est une maladie du cerveau qui perturbe la pensée. Elle est caractérisée par une tristesse anormale et une perte de plaisir ("anhédonie"), ainsi que d’autres signes associés. Le risque est personnel, social, professionnel et parfois vital (suicide).
Des mots pour les maux
La dépression classique, unipolaire, est appelée « dépression nerveuse » dans le langage courant et « épisode dépressif majeur » dans le langage médical.
En dehors de la tristesse, un des symptômes cardinaux de la dépression est une perte de plaisir et d’envie de faire que les psychiatres appellent « anhédonie ».
Le trouble bipolaire (ex « psychose maniaco-dépressive ») est un autre trouble de l’humeur, qui se caractérise par une alternance d’épisodes dépressifs et d’épisodes maniaques.
La dépression peut être soignée grâce aux médicaments antidépresseurs et à la psychothérapie, mais le risque de rechute est important.
La reprise du travail doit être surveillée en raison de la persistance d’un trouble du « fonctionnement social » pendant quelques temps après la fin du traitement.
Qu'est-ce que la dépression ?
La dépression (ou « trouble dépressif » ou « épisode dépressif majeur ») est une vraie maladie du cerveau qui est très fréquente, quelle que soit la société et quelles que soient les époques. Elle correspond à un trouble du fonctionnement neurologique du cerveau et se manifeste par un « trouble de l'humeur » avec des idées tristes, un manque de plaisir, une perte de goût, qui perturbent la vie quotidienne. De nombreux facteurs, psychologiques, biologiques et environnementaux, sont en cause dans sa survenue.
La dépression ne désigne pas un simple coup de déprime ou une tristesse passagère, mais une véritable maladie neurologique, au moins dans ses formes les plus sévères, avec des troubles du fonctionnement de certains circuits neuronaux du cerveau.
Le principal signe est « l'humeur dépressive » qui entraîne une tristesse quasi-permanente et une vision pessimiste du monde et de soi-même, avec des idées de dévalorisation, voire parfois de désespoir. Ce trouble de l’humeur s’associe à un ralentissement psychomoteur qui se manifeste par des troubles des fonctions intellectuelles (« fonctions cognitives ») comme un déficit de la mémoire et des perturbations de la concentration et de l’attention. Il existe une perte de plaisir et une perte d’envie de faire les activités de la vie quotidienne, même celles habituellement plaisantes, que les psychiatres appellent « l’anhédonie ». Ces signes peuvent s’associer à des perturbations du sommeil, une anxiété, une perte de l’appétit, un amaigrissement et une fatigue surtout le matin. Le malade souffre énormément et le principal risque de cette souffrance est le suicide.
Un épisode dépressif dure généralement plusieurs mois, voire des années et il retentit de manière importante sur la vie quotidienne, familiale et professionnelle. Un épisode dépressif peut récidiver ou se chroniciser et ainsi compromettre la vie quotidienne des malades.
La dépression est un trouble qui peut être diagnostiqué et traité assez simplement au début de la maladie. En revanche, il faut bien être conscient que la volonté seule ne permet pas de s'en sortir puisqu’il existe souvent une « paralysie de la volonté » associée au ralentissement psychomoteur. La dépression doit donc se traiter pour ne pas se compliquer ou devenir chronique, même si le traitement pharmacologique n’est pas toujours nécessaire dans les formes modérées et sans retentissement sur les fonctions cognitives. Le recours à un médecin psychiatre peut être nécessaire dans un certain nombre de cas et en particulier en cas de dépression complexe.
Pourquoi fait-on une dépression ?
Face à une dépression, on recherche souvent des explications et des causes, en particulier dans la vie récente. Il est alors fréquent d’avoir recours à des explications « de bon sens » comme une fatigue ou un stress au travail, ou une expérience affective douloureuse, comme une séparation ou un deuil : « C’est parce que ça ne va pas dans mon travail », « C’est à cause de mes problèmes familiaux »... Des événements pénibles de la vie sont effectivement associés à un risque accru de dépression, tout comme les traumatismes affectifs ou sexuels de l’enfance, mais toutes les personnes exposées à ce type d’événements ne développent pourtant pas la maladie. De plus, beaucoup de personnes font une dépression sans motif apparent.
Il existe donc une autre raison et, en particulier, une susceptibilité individuelle à la dépression qui est en partie d’origine génétique. Il est, en effet, largement rapporté une susceptibilité familiale : un individu dont l’un des parents a fait une dépression a 2 à 4 fois plus de risque d’être lui-même dépressif au cours de sa vie. Certaines variations génétiques associées à cette vulnérabilité ont même été identifiées : au niveau des gènes codant pour le transporteur de la sérotonine (un neurotransmetteur essentiel au cours de la dépression) ou pour un facteur important de la prolifération, de la différenciation et de la survie des neurones (le BDNF pour Brain-Derived Neurotrophic Factor).
Cependant, les anomalies génétiques ne peuvent pas non plus expliquer à elles seules la survenue d’une dépression ; l’expression de ces variations génétiques dépend donc de l’environnement : on parle « d’interactions gène-environnement » ou « d’épigénétique ». La vulnérabilité à une dépression et à des idées suicidaires après des stress de l’enfance (menaces, abandon, violences, abus sexuels) n’apparaîtrait que chez les personnes qui possèdent une anomalie génétique, comme par exemple, un raccourcissement du gène qui code pour le transporteur à la sérotonine.
Quant aux facteurs qui surviennent juste avant la dépression, en provoquant un stress excessif, comme un deuil, ils seraient plus des événements déclencheurs ou précipitants : on parle alors de « facteurs précipitants ».
Quelles sont les relations entre dépression et suicide ?
Les idées de suicide sont fréquentes dans la dépression. Le risque suicidaire dans cette maladie ne doit pas être négligé : environ 4 % des personnes touchées par la dépression meurent par suicide. Cependant, une grande majorité des personnes en proie à des idées de suicide ne font pas de tentative de suicide.
Le lien entre dépression et suicide pourrait être d’origine génétique : de plus en plus de chercheurs considèrent le suicide comme une maladie psychiatrique à part entière, associée mais indépendante des autres maladies psychiatriques. Des anomalies génétiques seraient à l’origine, non seulement d’un risque augmenté de suicide, mais aussi d’un risque d’autres maladies psychiatriques, comme la dépression, le trouble bipolaire ou la schizophrénie.
En pratique, ce n’est pas forcément la dépression qui exposerait au risque de suicide, mais plutôt une vulnérabilité d’origine génétique que l’on retrouverait seulement chez certaines dépressions et dans certaines familles.
D’autres chercheurs sont en train de mettre au point différents tests (« biomarqueurs ») pour identifier ces personnes vulnérables au suicide. Ces tests révèlent que ces anomalies sont plus importantes au cours des dépressions car les liens génétiques sont plus étroits que pour les autres maladies, mais qu’elles ne sont pas forcément corrélées à l’intensité de la dépression. Il faut aussi comprendre que la vulnérabilité génétique ne s’exprime qu’en cas d’environnement pathogène (traumatisme de l’enfance, stress personnel ou professionnel…) et qu’il est aussi possible de corriger cette vulnérabilité, en préventif comme en curatif.
C'est le plus souvent quand une dépression n'est pas traitée et que le malade continue à souffrir qu'elle peut conduire au suicide. Il est donc primordial de dépister les troubles dépressifs, de les soigner et de faire suivre régulièrement les personnes dépressives par un médecin. Les idées de suicide doivent aussi être abordées directement par les proches ou les médecins. La meilleure façon d'aborder le sujet est de parler de ce qui fait souffrir la personne et de lui poser quelques questions simples et directes, en n’hésitant pas à lui demander s'il lui est déjà arrivé de penser au suicide.
Quelle est l’évolution de la dépression ?
Les épisodes de dépression peuvent se résoudre avec le temps dans 10 à 15 % des cas en quelques mois, qu'ils soient traités ou non.
La plupart des épisodes dépressifs durent moins de six mois. Mais, 80 % des patients souffrant d'un premier épisode dépressif seront une nouvelle fois atteints par au moins un autre épisode de plus dans leur vie. Les récidives peuvent donc se succéder et les périodes d'amélioration de l'état entre les épisodes dépressifs (« périodes de rémission ») peuvent devenir de plus en plus courtes. Lorsque la personne bénéficie d’un traitement et d'un suivi adaptés, le risque de réapparition des signes de dépression, et la souffrance qui leur est liée, sont largement diminués. D'où l'intérêt d'une prise en charge précoce et efficace de la maladie.
Le risque de rechute s'accroît également lorsque les traitements ne parviennent pas à guérir totalement les symptômes (« rémission incomplète » avec « symptomatologie résiduelle ») : se discutent alors la modification du traitement médicamenteux et une intervention complémentaire comme une psychothérapie. Des prescriptions d'antidépresseurs sont donc recommandées quatre à six mois après la guérison pour éviter toute rechute (il vaut également mieux éviter d’arrêter un traitement antidépresseur en hiver).
Les personnes souffrant d'épisodes répétés de dépression requièrent un traitement à long terme, ou pour le reste de leur vie, pour éviter les risques de développer une dépression plus longue et plus sévère. Les cas de dépressions où les chances de guérison sont réduites paraissent associés à un traitement mal adapté, à des symptômes initiaux plus sévères (comme une psychose), à un développement précoce des signes de la maladie, à des antécédents d'épisodes dépressifs, à une guérison seulement partielle après un an de traitement, à un trouble médical ou mental préexistant, voire également à des problèmes familiaux.
Tous ces éléments sont à prendre en compte car, en moyenne, les personnes dépressives ont une espérance de vie raccourcie par rapport aux personnes non dépressives, en partie à cause du risque élevé de décès par suicide, mais aussi de la susceptibilité à d'autres affections médicales et, en particulier, les maladies cardiovasculaires.
Quand doit-on évoquer une dépression ?
Lors d'une dépression-maladie, il existe une tristesse constante qui dure presque toute la journée et qui se répète pratiquement tous les jours, depuis au moins deux semaines. Cette tristesse s’accompagne d’un ralentissement psychomoteur et d’une perte d'intérêt et de plaisir pour des activités habituellement agréables (« anhédonie »).
Pris isolément, ces symptômes ne signifient pas forcément qu'il y a une dépression. Pour évoquer le diagnostic, il faut donc qu’il y ait plusieurs signes associés. Ces troubles associés peuvent être une diminution de la capacité de concentration, une fatigue intense qui n'est pas améliorée par le repos ou le sommeil, une altération du sommeil qui devient peu réparateur, avec des réveils précoces. On peut aussi observer un sentiment de dévalorisation de soi et une culpabilité, associés au sentiment que cela ne peut pas s’améliorer. Il est possible de trouver également une impression de solitude, d'abandon, d'inutilité, le sentiment de ne pas être aimé, une vision pessimiste de la vie, des pensées autour de la mort en général, et parfois autour du suicide, une altération de l'appétit qui peut entraîner un amaigrissement ou une prise de poids et des perturbations sexuelles : le désir et le plaisir sexuel s'atténuent ou disparaissent complètement. L’anxiété peut être une maladie autonome, mais peut aussi apparaître au cours d’une dépression.
Comment faire la différence entre déprime et dépression ?
Il arrive à tout le monde de se sentir triste ou « déprimé », d’avoir des « idées noires » ou le « blues ». Il peut même arriver que ce « coup de cafard » s’accompagne d’une anxiété et de difficultés pour dormir. Mais cela ne veut pas pour autant dire que l’on souffre de dépression. Au fil des événements, en particulier les deuils, les moments de tristesse font partie de la vie de tous. La tristesse, le découragement, voire même un désespoir passager, représentent des expériences normales. Ces problèmes d’humeur ne doivent pas être confondus avec la dépression.
Pour pouvoir parler de maladie dépressive, il faut que ces perturbations de l’humeur soient bien caractérisées, qu’elles s’associent à d’autres signes comme un ralentissement psychomoteur ou un manque d’envie de faire des choses (« anhédonie »). Il faut aussi qu’elles soient présentes de façon quasi permanente sur une période d’au moins deux semaines et qu’elles entraînent une gêne importante dans la vie quotidienne : difficulté à se lever, à aller à son travail, à se concentrer pour travailler, à sortir faire ses courses… Ainsi, il est possible de poser un diagnostic de dépression, même moins d’un mois après un deuil : contrairement à ce que l’on disait autrefois, une dépression peut exister même moins de 6 mois après un deuil. C’est l’analyse des signes qui permettra de porter le diagnostic.
Comment faire le diagnostic de la dépression ?
Il est très important de détecter précocement un premier épisode dépressif car une dépression traitée tardivement peut être plus difficile à traiter et elle peut entraîner des complications.
Le diagnostic de dépression chez l’adulte peut s’appuyer sur la classification des maladies psychiatriques, le DSM-5 : le diagnostic est posé devant l’association d’au moins cinq des signes suivants, dont l’humeur dépressive et la perte d'intérêt.
1. Humeur dépressive
2. Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir
3. Perte ou gain de poids ou de l'appétit
4. Insomnie ou hypersomnie
5. Agitation ou ralentissement psychomoteur
6. Fatigue ou perte d'énergie
7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité
8. Diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision
9. Pensées de mort et idées suicidaires récurrentes
Le diagnostic d’épisode dépressif majeur est posé typiquement quand l’épisode dépressif dure suffisamment longtemps (plus de quinze jours) avec, durant cette période, un sentiment de tristesse, de désespoir et d’absence d’envie pour quoi que soit, chaque jour ou presque, et pendant la plus grande partie de la journée, surtout si cet état de souffrance est associé à d’autres signes qui ont des répercussions au niveau affectif, social, professionnel ou dans d’autres domaines importants de la vie. Mais l’épisode dépressif peut être plus ou moins sévère, les signes plus ou moins nombreux et intenses, la gêne plus ou moins importante.
L’âge modifie-t-il le diagnostic ?
Chez l'enfant, la dépression peut prendre des aspects particuliers comme des comportements de retrait, d'absence, ou au contraire d'irritabilité et d'agitation, avec des plaintes répétées concernant le corps (douleur à répétition...) (= plaintes somatiques).
Chez l'adolescent, la dépression peut aussi apparaître sous forme d’une irritabilité, d’une agitation, d’une agressivité, de violence verbale ou d’une indifférence apparente, mais aussi d’un désinvestissement scolaire ou de comportements « à risque » et nuisibles pour la santé : abus d'alcool, de drogues, de médicaments (anxiolytiques, hypnotiques). Les idées suicidaires font souvent partie du tableau de la dépression de l’adolescent.
Chez les personnes âgées, les signes de la maladie sont très semblables à ceux qu’on peut trouver chez les adultes plus jeunes mais il existe assez souvent un tableau de détérioration intellectuelle qui peut compliquer la reconnaissance de la maladie et la faire confondre avec une démence débutante. Le fait d’être triste ou pessimiste ne doit pas être considéré comme normal chez le sujet âgé et le traitement est aussi nécessaire et efficace à cette période de la vie que plus tôt.
Peut-on évaluer le risque de suicide ?
La dépression est la première maladie associée au suicide : près de 70 % des personnes qui décèdent par suicide souffraient d’une dépression, le plus souvent non diagnostiquée, et non ou mal traitée.
Les idées de suicide sont fréquentes dans la dépression (elles font d’ailleurs partie des symptômes de la maladie), elles méritent dans tous les cas d’être signalées à un médecin afin d’en parler et de les désamorcer. En effet, les personnes suicidaires ne veulent pas nécessairement mourir mais souhaitent plutôt mettre fin à une souffrance psychique qui leur est devenue insupportable. Par ailleurs, l’immense majorité des personnes en proie à des idées de suicide ne feront pas de tentative de suicide.
Les antécédents de tentative de suicide sont un élément majeur du risque suicidaire, de même que des antécédents familiaux de suicide, car il existe une vulnérabilité génétique au suicide.
Certaines phases exposent à un risque immédiat de suicide et il en est ainsi de la « crise suicidaire ». Il s’agit d’un moment de la vie d’une personne où celle-ci se sent dans une impasse et confrontée à une telle souffrance que la mort apparaît progressivement comme le seul moyen de trouver une issue à cet état de crise. Cet état, caractérisé par des idées suicidaires de plus en plus envahissantes et un « sentiment d’impuissance » majeur doit être dépisté et pris en charge car il est réversible. Cette crise suit souvent un processus qui comporte plusieurs « paliers » : la personne a d’abord des idées de suicide plus ou moins fréquentes et intenses contre lesquelles elle va lutter mais qui peuvent éventuellement l’envahir. Elle risque alors de passer aux stades de l’intention (prise de décision), de la planification (recherche du moyen, du lieu, des circonstances et du moment) et de la mise en œuvre de son suicide. Ce processus n’est cependant jamais inéluctable et il peut être arrêté à tout moment.
Combien de temps peut durer une dépression ?
Une dépression peut durer de quelques semaines à plusieurs mois, voire plusieurs années.
La plupart des épisodes dépressifs durent moins de six mois et une guérison complète (disparition de tous les signes) et durable est possible. Mais le risque de réapparition de la maladie après guérison complète est important (dans près de 50 % des cas). La réapparition des symptômes peut intervenir, soit longtemps après le premier épisode, à l’issue d’une rémission totale de plusieurs années, soit plus régulièrement, avec une rémission entre les épisodes, de moins en moins complète et de moins en moins longue.
Quels sont les différents types de dépression ?
• Dans certains cas, la période dépressive s’étend sur plusieurs années. On parle alors de dépression chronique ou, lorsque les symptômes sont un peu moins nombreux et un peu moins intenses, de « dysthymie ». Les personnes souffrant de « troubles dysthymiques » se décrivent comme tristes en permanence avec une diminution d’intérêt et de plaisir qui provoque une gêne ou un handicap dans la vie quotidienne. Il existe aussi des sentiments d’insuffisance, d’impuissance, de culpabilité et des ruminations à propos du passé qui peuvent alterner avec des sentiments d’irritation ou de colère. Au final, la personne qui souffre de dysthymie peut avoir tendance à s’effacer et à se mettre en retrait par rapport aux activités sociales et au travail, ce qui aboutit à une diminution d’activité et de productivité. Avec les années, ces troubles deviennent comme partie intégrante de la personnalité de cette personne. Cette maladie commence souvent de façon discrète et précoce (enfance, adolescence ou début de la vie adulte). Sa sévérité risque de s’accroître avec les années si elle n’est pas traitée.
• Des épisodes dépressifs peuvent aussi survenir dans le cadre d’un « trouble bipolaire », appelé autrefois « psychose maniaco-dépressive ». Dans ce cadre, l’épisode dépressif peut précéder ou suivre un « épisode maniaque », période de surexcitation intellectuelle et d’euphorie excessive qui est comme une forme « inversée » (« en miroir ») de la dépression. Au cours d’un tel épisode, le ralentissement dépressif est remplacé par une excitation et une agitation. Le pessimisme et la tristesse font place à un optimisme irréaliste et une familiarité souvent excessive, voire déplacée. La personne est envahie par un besoin excessif de parler, de bouger. Elle ne ressent plus le besoin de dormir et peut, dans certains cas, avoir des idées délirantes (invincibilité, pouvoirs extraordinaires…). Cet état provoque des conduites insouciantes ou irresponsables (dépenses délirantes, comportements sexuels frénétiques et à risques), des attitudes déplacées, toutes conduites susceptibles d’entraîner des dégâts considérables et irréversibles dans la vie familiale et professionnelle. L’épisode maniaque n’est donc pas à prendre à la légère : c’est une « urgence psychiatrique », en raison des risques que la personne fait courir à elle-même et à son entourage. Dans certains cas, il est même nécessaire de mettre temporairement la personne sous sauvegarde de justice, afin de la protéger des actes inconsidérés qu’elle pourrait commettre. Le traitement de cette maladie est très spécifique et différent de celui de la dépression.
• Certaines dépressions sont induites par la survenue de l’hiver : on parle de « dépression saisonnière », une forme de dépression qui pourrait toucher une personne sur 10 en France (fréquence supérieure dans les pays du nord). Ces dépressions saisonnières sont à différencier du « blues hivernal » car elles ont des signes clairs de dépression : la personne se sent triste, elle a des idées noires, passe beaucoup de temps au lit, abandonne ses activités préférées et a souvent des comportements de compensation alimentaire, notamment avec une appétence particulière pour les aliments sucrés, ce qui lui fait prendre du poids. C'est un phénomène cyclique qui disparaît au printemps mais revient chaque année en hiver.
Le traitement de référence est la « luminothérapie » qui consiste à s'exposer à une lampe spéciale diffusant une lumière de forte intensité : 10.000 lux pendant 30 minutes, chaque jour pendant 2 semaines. A titre de comparaison, la lumière du jour par beau temps est de 100.000 lux, mais celle d'une pièce éclairée artificiellement de seulement 200 à 300 lux. Il n'est pas nécessaire de fixer la lampe, travailler ou lire à proximité suffit. Les antidépresseurs, qui sont parfois prescrits lorsque le médecin n'a pas fait le lien entre la dépression et le changement de saison, sont moins efficaces alors que les malades sont soulagés par la luminothérapie en une à 2 semaines.
Quelles sont les maladies qui peuvent être associées à la dépression ?
La dépression peut avoir des liens avec d’autres maladies, psychologiques ou physiques et en particulier de troubles anxieux (l’existence d’un trouble anxieux précédant ou associé à la dépression accroîtrait la sévérité de la dépression, ainsi que son risque de survenue), d’alcoolisme, de dépendance à certains médicaments (anxiolytiques ou hypnotiques) ou d’abus de substances psychotropes (cannabis, ecstasy, cocaïne…).
Par ailleurs, l’association d’un trouble dépressif à une maladie physique (« somatique ») grave ou chronique (diabète, cancer, accident vasculaire cérébral…) peut rendre l’identification et le traitement de la dépression plus difficile (les symptômes de la dépression pouvant être sous-estimés et attribués à l’autre maladie).
Pourquoi faut-il traiter une dépression ?
La dépression est une maladie qui est associée à une perturbation du fonctionnement du cerveau : elle affecte l’ensemble de la pensée ainsi que la personnalité. La volonté seule ne suffit pas pour agir sur une maladie aussi complexe. Un traitement est donc absolument nécessaire quand on souffre de dépression.
La nécessité d’un traitement est une idée parfois difficile à accepter pour certains malades. Pour des raisons psychologiques et culturelles (tendance à penser qu’il serait préférable de « s’en sortir par soi-même », que se faire soigner serait une « facilité »…), mais aussi en raison d’une certaine « paralysie de la volonté » liée à la maladie elle-même, le malade ne peut pas s’en sortir tout seul. Mais, se faire soigner, suivre une psychothérapie ou un traitement médicamenteux, c’est aussi redevenir acteur de son destin. La guérison d’un trouble psychique nécessite une participation et un engagement importants de la part du malade. Une prise en charge thérapeutique est le fruit d'une collaboration entre le médecin généraliste, le psychiatre et éventuellement d'autres professionnels de santé. Le rôle de l’entourage ne doit pas non plus être sous-estimé, dans la mesure où il peut protéger un malade qui a perdu confiance en lui.
Quel est le traitement de la dépression ?
Avant de mettre en route un traitement, il faudra cependant évaluer le risque de suicide et donc ne pas hésiter à aborder systématiquement ce sujet avec le malade. L’autre préalable important au traitement est de rechercher s’il n’y a pas des antécédents de dépression récidivante, soit chez le malade lui-même, soit dans sa famille, voire de troubles bipolaires (avec alternance de dépression et d’épisodes maniaques).
Le traitement s’appuie désormais sur de nombreuses classes de médicaments (tricycliques, IMAO, sérotoninergiques, IRSNA…). Ces médicaments sont prescrits pour réduire les signes de dépression et leurs conséquences. Ils permettent d'aider le cerveau à retrouver son fonctionnement normal. Leur choix est adapté à chaque individu selon les symptômes qu’il présente. Des effets indésirables sont possibles, surtout en début de traitement ou lors de l'augmentation des doses, mais ils sont en général passagers. Selon les types de médicaments, ces effets indésirables peuvent être une somnolence ou au contraire une excitation, une constipation, une prise ou une perte de poids, la sécheresse de la bouche, les baisses de tension, les difficultés sexuelles...
Les antidépresseurs mettent deux à quatre semaines avant d’agir et la prise régulière du traitement est indispensable. Une fois l'amélioration obtenue, ils sont poursuivis pendant quatre à six mois minimum pour consolider les résultats obtenus au cours des premières semaines. Un arrêt précoce du traitement est souvent à l'origine de récidives de la dépression. L'arrêt du traitement doit être discuté avec le médecin et doit se faire progressivement, sur plusieurs semaines.
La psychothérapie est recommandée, quel que soit le type de dépression. Il y a différents types de psychothérapies (interpersonnelle, cognitivo-comportementale, psychodynamique…) dont l’efficacité a été validée. Une psychothérapie agit sur des comportements qui peuvent favoriser l'apparition ou la persistance d'une dépression. Elle peut être la seule prise en charge ou être associée d'emblée à un médicament antidépresseur. La psychothérapie et le traitement médicamenteux sont généralement associés et adaptés à chaque cas. Si le risque suicidaire est élevé et si le médecin estime qu'il s'agit d'une urgence, une hospitalisation doit être envisagée. En dehors de cette situation d'urgence, l'hospitalisation peut également être prescrite pour évaluer une situation complexe ou lors d'un changement de traitement.
D'autres médicaments peuvent être prescrits, comme le lithium dans certaines formes de dépression ou un anxiolytique s'il existe une anxiété associée, voire même des antipsychotiques dans les dépressions résistantes.
La luminothérapie est préférable dans les formes de dépressions saisonnières. Elle consiste à exposer les yeux à une lumière dont la nature est proche de celle du soleil mais sans les infra rouges ni les ultra violets qui sont dangereux pour la peau et les yeux. Elle a une forte intensité : 10.000 lux, ce qui est très supérieur à la lumière dans les pièces (200 à 300 lux), pendant 30 minutes, chaque jour pendant 2 semaines.
Quels sont les autres traitements de la dépression ?
La stimulation magnétique transcrânienne est une alternative thérapeutique possible pour les personnes souffrant de dépression sévère résistante à tous les médicaments. Elle n’est toutefois pas efficace dans tous les cas. Plusieurs études ont montré de bons résultats sur des dépressions résistantes à tous les médicaments.
Cette technique consiste à appliquer une bobine magnétique à proximité du cerveau pour en stimuler certaines zones. Il s’agit notamment du cortex préfrontal, connecté à des structures sous-jacentes dont l’amygdale impliquée dans la dépression. La bobine génère un courant magnétique à haute fréquence qui induit un courant électrique au niveau des structures cérébrales, produit une dépolarisation neuronale et active les cellules nerveuses. Le champ délivré est d'une intensité similaire à celui produit lors d'une imagerie par résonance magnétique (IRM).
Cette technique a malheureusement ses limites : elle n’est pas efficace chez tous les patients, elle est longue à pratiquer et très coûteuse. A ce titre, l’identification de facteurs prédictifs de réponse à ce traitement serait utile aux praticiens.
L’électroconvulsivothérapie (ECT), anciennement appelée « sismothérapie », est utilisée dans le traitement de la dépression sévère ou de la « mélancolie profonde ». Dans ces indications, il s’agit d’une technique qui donne des résultats très satisfaisants. Le principe consiste à faire passer un courant alternatif entre deux électrodes placées de part et d’autre du crâne. L’intensité électrique provoque une convulsion et permet de faire « décharger » plusieurs neurones, comme lors d’une crise d’épilepsie. Il existe peu de thérapeutiques aussi efficaces que l'électroconvulsivothérapie puisqu’elle marche dans 85 à 90 % des cas de dépression (source ANAES) : cette efficacité est supérieure à celle des antidépresseurs, avec un délai d'action souvent plus bref. L’électroconvulsivothérapie a également démontré son efficacité après échec d'un traitement par antidépresseurs bien conduit. Les effets secondaires à long terme concernent essentiellement la mémoire, en particulier le souvenir de la période de la cure : elle provoque non seulement une perte de mémoire, mais également une baisse des capacités cognitives (apprentissage et pensée). Les troubles de mémoire ont habituellement tendance à régresser en plusieurs mois, ce qui fait que cette technique est utilisée en 3e ou 4e intention. L’électroconvulsivothérapie n’est ni brutale, ni traumatisante car elle s’effectue dans un environnement sécurisé, sous anesthésie et traitement par curare, ce dernier atténuant les secousses musculaires douloureuses. Des résultats positifs sont obtenus chez environ 90 % des patients après environ 6 à 12 séances à raison de deux à trois séances par semaine.
Quel est le rôle de la famille ?
De vieilles études ont montré que l'implication de la famille facilitait la récupération et même accélérait la récupération symptomatique. La famille doit donc soutenir et protéger le malade, en l’accompagnant de façon bienveillante et en évitant les incitations du genre : « secoue-toi un peu, enfin… », ce que le malade est par définition incapable de faire.
Il faut vraiment que la famille soit impliquée dans le soin à toutes les étapes et aussi au moment de l'évaluation. Il y a des patients qui disent qu'ils ne fonctionnent pas trop mal, alors qu'en fait, la famille explique « qu'il a dit ça mais en fait, il n'arrive absolument pas à faire les choses ». « C'est vrai qu'il est mieux, qu'il est moins triste, moins anxieux, mais il ne fait pas grand-chose », « ce n'est pas mon mari de d'habitude ou ce n'est pas ma femme de d'habitude ».
Quelle est la fréquence des signes gênants après guérison ?
On parle de « symptômes résiduels » lorsque l'état dépressif s'améliore, mais que certains troubles persistent. La « rémission symptomatique » est, en effet, définie par les médecins comme une diminution des scores en dessous de 7 sur « l'échelle de Hamilton », qui est l'échelle la plus classique d'évaluation des signes dépressifs.
Or, des études ont montré que près d’un quart des malades qui sont en rémission après traitement, selon l’échelle de Hamilton, pouvaient garder des difficultés de concentration, des troubles du sommeil, un peu de fatigabilité et des difficultés à prendre des décisions : ils sont donc encore handicapés dans le domaine social et professionnel (« trouble du fonctionnement social »).
Quand peut-on reprendre le travail après une dépression ?
Après la « guérison » d’une dépression, il persiste souvent des « symptômes résiduels » et il a été démontré que les personnes qui se plaignent de ces signes dépressifs résiduels, bien qu’elles n’aient plus de dépression au sens médical du terme, ont néanmoins un risque d'accident du travail multiplié par 9 lors de la reprise. Et ceci en comparaison, soit à des malades qui n’ont pas de signes dépressifs, soit à des sujets qui ont bien récupéré d'un épisode dépressif antérieur.
Il y a donc un retentissement de la dépression sur le « fonctionnement social », mais aussi familial, ce qui laisse penser, qu'au-delà de la rémission, le traitement doit aller vers une récupération complète, voire même vers une « réhabilitation socio-professionnelle » du patient déprimé.
Clairement, essayer de retourner assez tôt au travail est une bonne chose après une dépression : il a, en effet, été montré que les personnes qui retournent au travail s’améliorent plus et se sentent mieux. Donc, si un malade peut retravailler à temps partiel, cela pourrait vraiment être un bon traitement de son « handicap social résiduel ». Mais, en cas de travail très exigeant intellectuellement ou en cas de travail potentiellement dangereux, comme conduire, travailler dans la construction ou d’autres métiers à risques, il faut absolument aménager le poste de travail lors de la reprise, en faisant passer par exemple le malade par un poste non exposé pour un temps intermédiaire.
Comment vivre avec la dépression ?
Le suivi de la dépression sur le long terme est important. Le traitement (psychothérapie associée ou non à des antidépresseurs) doit dans l’idéal être mis en place rapidement. Son suivi régulier prévient les complications de la dépression, comme le risque suicidaire, le passage à la chronicité et les récidives. Le plus important pour que le malade suive bien son traitement est d’abord qu’il soit persuadé que la dépression est une maladie, que le traitement est utile et qu’il ait accepté de se faire soigner. L’autre élément important est que le malade ait une bonne relation avec le professionnel choisi pour la psychothérapie (psychiatre, psychologue).
Certains effets indésirables peuvent survenir au cours du traitement. Il est important d’en parler au médecin avant d’interrompre le médicament responsable. Le médecin trouvera une compensation ou une alternative, mais il est surtout important de ne pas interrompre brutalement le médicament de son propre chef.
Une hygiène de vie peut participer à la guérison. Il faut adopter des horaires de vie réguliers et dormir suffisamment, quitte à se faire aider par un traitement dans un premier temps. Pratiquer une activité physique régulière joue un rôle important au cours de la dépression et il est nécessaire de trouver une activité physique au moins 30 minutes, trois à cinq fois par semaine.
Un régime alimentaire équilibré peut être intéressant en privilégiant les fruits et les légumes frais, ainsi que les poissons et les huiles végétales. L’angoisse et la souffrance ressenties amènent souvent à favoriser la consommation d'alcool de tabac ou d'autres substances addictives (médicaments anxiolytiques, cannabis...). Sur l'instant, ces substances peuvent donner l'impression d’apporter un soulagement, mais elles peuvent en réalité aggraver la dépression, et la consommation d'alcool peut interférer avec l'effet des antidépresseurs.
Enfin, il est important de conserver les liens avec la famille, les amis et les collègues de travail.
La dépression en France
La dépression est une des maladies psychiques les plus fréquentes puisqu’elle pourrait toucher 15 à 20 % des Français au cours de leur vie (près de neuf millions de personnes). A un instant donné, 5 à 8 % des Français de 15 à 75 ans (près de trois millions de personnes) sont déprimés. Les femmes ont deux fois plus de risque que les hommes de faire une dépression. Certaines périodes de l’existence sont plus à risque que d’autres pour avoir une dépression : adolescence, après une grossesse, chez le sujet âgé.
Les liens de la dépression
Le site de l’INSERM
Le site de l’Association France Dépression
Les liens internes à Pourquoi Docteur
Les liens particuliers entre suicide et dépression
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