Epilepsie : individualiser le traitement à chaque forme
L’épilepsie se caractérise par la répétition de troubles neurologiques divers, survenant par crises imprévisibles, soudaines et souvent très brèves. Les crises pouvant prendre des présentations très diverses selon les malades, il vaut mieux parler « des » épilepsies et les traitements doivent être adaptés à chaque malade.
Des mots pour les maux
Les crises épileptiques résultent d’une décharge anormale et simultanée de milliers de neurones dans une zone du cerveau où il existe une « hyperexcitation neuronale ».
La région du cerveau qui est à l’origine de la crise est appelée « zone épileptogène ».
Il existe 2 grands types de crises d’épilepsie, les « crises généralisées », qui touchent l’ensemble du cerveau, avec ou sans perte de connaissance, et les « crises partielles », où la décharge n’affecte qu’une partie limitée du cerveau.
Qu'est-ce qu’une épilepsie ?
On appelle épilepsie une maladie du système nerveux caractérisée par la récidive spontanée de crises épileptiques. Ces crises résultent d’une décharge anormale et simultanée de milliers de neurones dans une zone du cerveau. La décharge se propage à travers le cerveau et produit des signes neurologiques variables selon sa localisation originelle et sa propagation.
Ces « neurones hyperexcitables » synchronisent anormalement leur activité, ce qui provoque une décharge électrique excessive dans les réseaux neuronaux qui leur sont connectés. C’est comme une sorte de « court-circuit » dans un circuit électrique qui vient perturber le fonctionnement cognitif et/ou le comportement de la personne qui souffre d’épilepsie. Les raisons pour lesquelles les neurones se placent dans un tel état d’oscillation synchrone et pathologique (« hyperexcitation neuronale ») sont encore imparfaitement connues mais semblent de causes très variées.
La description classique de l’épilepsie est celle d’une personne qui pousse brutalement un cri, perd connaissance, tombe brutalement à terre et se contorsionne spasmodiquement. Cette description correspond en fait à l’épilepsie de type « grand mal », ou « épilepsie généralisée », qui ne résume absolument pas la maladie épileptique. Du fait de la très grande variété des formes de la maladie, les spécialistes de l’épilepsie (« épileptologues ») préfèrent parler « des épilepsies », au pluriel, car elles sont de pronostic et de traitement très variés.
Les syndromes épileptiques sont classés selon plusieurs critères : le type de crise épileptique, les anomalies électroencéphalographiques (EEG), la cause et les signes neurologiques associés. Leur seul point commun est un mécanisme général : « l’hypersynchronisation et l’hyperexcitation » d’unnombre important de cellules nerveuses (« neurones ») du cortex cérébral, et ce, de manière répétée.
Les syndromes épileptiques sont souvent âge-dépendants, c'est-à-dire qu'ils débutent à certains âges de la vie et évoluent selon une histoire naturelle définie.
La gravité est fonction des conséquences directes de la crise (chute avec blessure et retentissement neuropsychologique) ou indirectes (stigmatisation et handicap social). « L’état de mal épileptique » qui se caractérise par la répétition rapide ou en continu des crises, est une urgence médicale car elle peut conduire au décès.
Quels sont les différents types d’épilepsie ?
Deux grands types de crise peuvent être distingués.
• Dans les « crises partielles », la décharge n’affecte qu’une partie limitée du cerveau. Les signes sont alors fonction de la zone du cerveau qui est touchée par la décharge : troubles du langage, troubles moteurs, troubles sensoriels ou sensitifs, troubles de la mémoire... Il y a autant de présentations que de points de départs potentiels dans le cerveau. Ces zones de départ peuvent être en rapport avec une anomalie anatomique ou non (malformation, cicatrice traumatique, tumeur…).
Ces crises partielles peuvent s’accompagner, ou non, d’une altération de la conscience (auquel cas le patient n’est pas conscient de ce qu’il est en train de faire ou dire). Certaines de ces crises partielles peuvent évoluer vers une crise généralisée « tonico-clonique » (« convulsive »).
• Les « crises généralisées » sont de 2 types.
Les plus connues sont les « crises tonico-cloniques », type « Grand mal », qui sont les plus impressionnantes, mais qui ne sont pas les plus fréquentes. Elles se manifestent par une perte de connaissance avec chute brutale, mouvements convulsifs, morsure éventuelle de la langue, perte d’urines, puis une phase de récupération progressive de la conscience sur une trentaine de minutes avec une respiration dite ronflante (« stertoreuse »).
Les « absences » se manifestent par une brève « perte de contact » (quelques secondes) se traduisant par une immobilité et une fixité du regard. Elles touchent plutôt l’enfant ou l’adolescent qui ne se rend compte de rien et n’en garde aucun souvenir.
Quelles sont les causes de l’épilepsie ?
Les diverses manifestations de la crise épileptique ont pour origine commune une « hyperexcitation » de certains groupes de cellules nerveuses du cerveau.
• Les « épilepsies symptomatiques » surviennent secondairement à une lésion du cerveau : malformation congénitale, encéphalite, séquelles d’une souffrance à la naissance, traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral, tumeur, infections, maladies neurologiques évolutives, malformations cérébrales…
Lorsque qu’une cause est suspectée, mais qu’elle ne peut être prouvée par les moyens diagnostiques actuellement disponibles, on parle « d’épilepsie cryptogénique ». Leur nombre est en constante diminution du fait des progrès rapides dans les techniques d’exploration.
Les épilepsies symptomatiques, ou cryptogéniques, sont le plus souvent partielles. Elles représentent près de 80 % des épilepsies de l’adulte.
L’épilepsie peut être ancienne, en lien avec une atteinte du cerveau qui s’est produite dans l’enfance. Quand elle est récente, elle nécessite la réalisation d’explorations à la recherche d’une cause séquellaire ou évolutive.
• Les « épilepsies idiopathiques » ont un caractère génétique plus ou moins démontrable et concernent des sujets le plus souvent sans lésion cérébrale. La prédisposition génétique n’induit pas que l’épilepsie soit une maladie héréditaire et transmissible directement, mais plutôt que les différentes épilepsies sont dues à des interactions entre plusieurs gènes et l’environnement.
Plus de 100 gènes liés à la maladie ont déjà été découverts et concernent surtout les mécanismes de l’excitabilité neuronale (gènes codant pour les canaux ioniques ou les récepteurs aux neurotransmetteurs), mais pas seulement (gène codant pour une protéine de la voie mTOR impliquée dans la prolifération et la survie des cellules).
Il existe de rares cas d’épilepsies associées à un seul gène : par exemple, 80 % des malades qui souffrent d’un « syndrome de Dravet », une épilepsie rare mais sévère de l’enfant, ont des mutations du « gène SCN1A », un gène qui code pour une partie d’un canal sodium sur la membrane du neurone.
Les épilepsies idiopathiques de l’adulte sont toujours généralisées. Ce sont essentiellement des épilepsies, datant de l’enfance ou de l’adolescence, qui n’ont pas guéries, mais qui peuvent être mises en rémission durable sous traitement le plus souvent.
Quels sont les signes de l’épilepsie ?
Les crises d’épilepsie ont des manifestations très diverses qui sont fonction de la localisation de la décharge électrique dans le cerveau, mais aussi du caractère très localisé ou diffus de cette décharge.
• Chaque crise se caractérise par une modification rapide de l'état de conscience, associés ou non à des phénomènes : moteurs, sensitifs, sensoriels, psychiques, végétatifs ou, plus complexes, comme une altération de la réponse de l'individu à son environnement. L’origine de la crise épileptique se situe dans la majorité des cas dans le « cortex cérébral » qui est la zone du cerveau où se déroulent les phénomènes de la pensée consciente, des émotions et de la motricité volontaire. Les décharges peuvent donc activer de façon variable des « systèmes neuronaux » ou « circuits neuronaux », de la motricité, des organisations cognitives, des émotions, des systèmes végétatifs, et même du comportement. La diversité des aires cérébrales concernées explique la grande variété des signes cliniques, qui sont toujours présents, mais pas forcément évidents.
• Une décharge qui démarre au niveau du cortex moteur, dans la région qui contrôle la motricité de la main, se traduira par un raidissement ou des secousses rythmiques du pouce et des doigts, puis se propagera vers le bras. Elle pourra ensuite envahir une moitié du corps, voire les deux côtés selon le type de la crise.
A l’inverse, si la décharge démarre dans la zone du cerveau responsable de la perception sensitive de la main, le malade ressentira des sensations anormales dans les doigts (fourmillements, picotements), qui pourront ensuite s’étendre au bras puis au corps.
Une décharge dans le cortex auditif ou visuel se manifestera par des hallucinations ou illusions auditives ou visuelles. Une autre dans le cortex olfactif ou gustatif provoquera des hallucinations olfactives ou gustatives (mauvaise odeur ou mauvais goût).
Lorsque la décharge démarre dans les régions du cortex qui traitent des informations à un niveau plus complexe en les associant (« zones corticales associatives », la crise peut provoquer des perceptions plus élaborées comme des sensations de lévitation, des hallucinations de musiques ou de scènes visuelles.
Si les décharges se produisent dans les régions corticales qui sont à un degré hiérarchique encore supérieur, des hallucinations de mémoire (phénomène de « déjà vu », « déjà vécu », réminiscences de souvenirs) peuvent être ressenties ou des productions de langage anormales (« jargon ») peuvent survenir.
Les crises qui démarrent dans le lobe frontal, où s’organisent les comportements moteurs en interaction avec les émotions, peuvent entraîner des gesticulations anormales, répétitives, prenant parfois l’aspect de comportements de fuite et de frayeur.
Lorsque les crises se produisent dans les régions associatives ou envahissent très rapidement de larges territoires, elles entrainent également une perte de conscience. Lorsque la région du cerveau en cause est de nature sensorielle, certaines crises peuvent être déclenchées par des stimuli, comme des feux clignotants, un écran d’ordinateur qui scintille, des bruits soudains.
• Une crise peut demeurer unique ou se répéter et l’intervalle libre entre les crises (« phase intercritique ») est variable, mais de plus de 24 heures en cas de crises d’épilepsies spontanées. L’intervalle libre dépend cependant de facteurs déclenchant (sensibilité à des manifestations lumineuses, épilepsie réflexe…) ou de facteurs favorisants (manque de sommeil), qui sont à prendre en compte lors du traitement.
Lorsque les crises se répètent très rapidement, elles entrent dans le cadre d'un état de mal épileptique avec persistance pendant la phase « intercritique » d'une altération de la conscience ou de signes neurologiques qui traduisent un épuisement neuronal : en pratique, deux crises en 30 minutes ou une crise prolongée (30 minutes).
Quand faut-il évoquer une épilepsie ?
Les signes de la maladie varient selon la nature des crises et la localisation de la zone du cerveau qui est responsable de la crise (« zone épileptogène »).
• En cas d’épilepsie partielle, il peut s’agir de secousses musculaires incontrôlées et localisées (dites « mouvements tonico-cloniques »), de sensations bizarres à type de fourmillements (« paresthésies »), d’hallucinations sensorielles (visuelles, auditives ou olfactives), de mouvement automatiques… La personne ne perd pas toujours connaissance (« crise simple »), mais si c’est le cas, elle ne gardera aucun souvenir de la crise.
• En cas de crise d’épilepsie généralisée, la crise la plus typique est la « crise tonico-clonique » avec perte de connaissance brutale et chute.
Il s’agit d’une succession de 3 phases. La phase initiale est dite « tonique », elle dure 10 à 20 secondes et consiste en une perte de connaissance complète (avec yeux « révulsés » et une contraction de tous les muscles du corps, provoquant parfois une morsure de la langue. La phase « clonique » lui succède et dure environ 20 à 30 secondes. Elle se caractérise par des séries de contractions musculaires diffuses et irrégulières, avec un blocage de la respiration, contractions qui s’espacent progressivement. Enfin, la phase « résolutive » (ou « post-critique ») correspond à un relâchement musculaire complet. La respiration devient ronflante (« stertoreuse »). Après l’épisode, la personne reprend lentement et progressivement conscience, sans aucun souvenir des événements.
Cette épilepsie généralisée s’accompagne généralement de blessures, liées à la brutalité de la perte de connaissance, et le malade peut parfois perdre ses urines, ce qui est moralement très traumatisant.
D’autres manifestations sont possibles, en particulier chez l’enfant, comme des secousses musculaires bilatérales et symétriques, une perte brutale du tonus musculaire ou des « absences » : l’enfant interrompt brutalement son activité, son regard devient fixe, et il ne répond plus aux sollicitations de son entourage, puis redevient actif, avec une amnésie complète de son absence.
Comment faire le diagnostic de crise d’épilepsie ?
La démarche diagnostique a deux objectifs principaux : d’abord faire le diagnostic de crise épileptique et ensuite de localiser la « région épileptogène » grâce à l’électroencéphalographie (EEG) et les méthodes dérivées, puis rechercher une lésion cérébrale qui pourrait être responsable de cette épilepsie.
• Le diagnostic de l’épilepsie est clinique, conforté par l'EEG pendant la crise (« critique ») ou entre les crises (« intercritique »). Il est parfois difficile quand il ne s’agit pas d’une crise généraliséede type « grand mal ». Certaines crises sont plus difficiles à interpréter et peuvent s’exprimer par des troubles divers. Le diagnostic repose sur un interrogatoire « policier » et un examen clinique détaillé, associés à l’électro-encéphalographie.
L’interrogatoire et l’examen ont pour objectif d’évoquer la possibilité d’une crise d’épilepsie, de caractériser le type de la crise avec le plus de précision possible et de situer le début et les circonstances des crises. Il n'y a pas d'épilepsie sans crise clinique : la seule existence d'anomalies EEG ne suffit pas à définir l'épilepsie et encore moins à débuter un traitement. Les termes d'épilepsie « latente », « infra-clinique », « électrique » n'ont aucun sens.
• L’électroencéphalographie (EEG) consiste à enregistrer l’activité électrique cérébrale à la surface du cerveau, grâce à des électrodes. Cette technique permet de reconnaître des anomalies en rapport avec des décharges paroxystiques, appelées « pointes », « polypointes » ou « pointe-ondes » (selon leur forme sur l’électroencéphalogramme) ou des « décharges paroxystiques » d'activités rythmiques.
Elles correspondent à la somme des potentiels excitateurs et inhibiteurs de milliers de neurones. Leur aspect, leur fréquence et leur topographie permettent parfois de déterminer leur localisation cérébrale.
Il faut distinguer les signes « critiques », « intercritiques » et « postcritiques ». Au décours de la crise, des signes EEG « post-critiques » traduisent un « épuisement » transitoire, pendant quelques minutes à quelques jours, selon la cause et l'âge. Entre les crises, l'EEG peut montrer des paroxysmes « intercritiques », éléments diagnostiques considérables, mais plutôt inconstants Certaines mises en condition visant à rendre les neurones plusexcitables (privation de sommeil la veille, lumière stroboscopique…) peuvent faciliter la révélation de ces anomalies.
L'électroencéphalogramme est le seul examen complémentaire utile au diagnostic de crise épileptique, mais un EEG normal n’écarte pas le diagnostic. Il permet de détecter des anomalies de grande amplitude qui sont les traces d’une activité neuronale anormale dans le cortex cérébral, mais pas les anomalies profondes.
• Si les crises sont nombreuses (au moins pluri-hebdomadaires) des enregistrements EEG prolongés (« Holter-EEG ») et surtout « EEG-vidéo » sont utiles. La vidéo-EEG, qui associe l’enregistrement vidéo des mouvements du malade à l’EEG, met en relation la topographie de la décharge avec les signes apparents au moment des crises, ce qui peut donner accès à l’origine anatomique des crises.
• L’imagerie par résonnance magnétique (ou IRM) permettra ensuite de localiser dans le cerveau une anomalie anatomique éventuellement responsable des crises.
Avec quoi peut-on confondre une crise d’épilepsie ?
Les risques de confusion dépendent bien sûr du type de la crise :
• Une crise d’épilepsie généralisée peut être confondue avec les autres causes de perte de connaissance comme une syncope, un accident ischémique transitoire, une hypoglycémie, une crise convulsive liée à une intoxication alcoolique, un traumatisme ou des convulsions liées à une fièvre élevée chez l’enfant.
La syncope peut être convulsive (convulsions bilatérales, brèves et peu nombreuses), mais l’installation est plus progressive, avec des signes de malaise. La fin est brutale sans confusion ni déficit post-critique.
• Une crise d’épilepsie partielle peut être confondue avec une migraine, en particulier une migraine avec « aura », une attaque de panique, un abus de substances ou un manque de sommeil.
L'aura migraineuse peut comporter des hallucinations ou des illusions : mais le rythme est différent, avec une « marche migraineuse » plus lente, se déroulant sur une vingtaine de minutes. La distinction peut être délicate, d'autant que migraine et épilepsie peuvent s'associer chez un malade.
Un accident ischémique transitoire (AIT) s’accompagne de signes déficitaires qui vont durerplus longtemps (20 à 30 minutes).
• Une crise d’épilepsie complexe peut être confondue avec des parasomnies (somnambulisme, terreurs nocturnes) ou un « ictus amnésique », qui ne se discute qu'en l'absence de témoin de la crise, car dans l’ictus, on constate le caractère adapté des conduites, la nature purement amnésique du trouble avec « oubli à mesure », qui peut être objectivé par des questions stéréotypées itératives.
Que faire en cas de crise d’épilepsie ?
Le moment de la crise d’épilepsie correspond à des décharges électriques anormalement élevées dans le réseau de neurones qui constitue le cerveau. Les personnes épileptiques doivent porter sur elles une carte sur laquelle sont précisés les conseils de conduite à tenir.
• Pendant la crise, il ne faut pas bouger la personne, mais il faut protéger sa tête, ne rien mettre dans sa bouche, desserrer ses vêtements, retirer ses lunettes, écarter tout objet dangereux à proximité et la mettre sur le côté, en « position de sécurité ».
Il faut rester avec la personne, noter la durée de la crise et regarder dans ses papiers s’il y a des consignes médicales
• Après la crise, il faut rassurer la personne qui peut parfois présenter une confusion. Il faut lui parler calmement en attendant qu’elle reprenne ses esprits. Il ne faut pas lui donner à boire, ni lui donner de médicament.
L'administration d'un médicament antiépileptique en urgence n'est pas justifiée après une crise simple isolée. Si une deuxième crise survient dans les minutes suivantes, une injection d'un médicament antiépileptique est faisable lorsque les secours sont présents pour prévenir la récurrence des crises : il s’agira d’une injection intramusculaire de 10 mg de diazépam. L'injection intraveineuse est d'efficacité plus rapide mais devra être réalisée lentement chez un adulte avec une fonction respiratoire normale.
Quand faut-il appeler les secours en urgence ?
Si une crise survient chez un épileptique connu, une hospitalisation n’est pas forcément indispensable. Si la crise est « comme d’habitude », il faut rechercher un facteur déclenchant (manque de sommeil ou une mauvaise observance du médicament ou une inadaptation de celui-ci). Si la crise est différente de d’habitude, il faut reconsidérer le diagnostic et refaire des examens, en particulier s’il existe des signes de localisation.
Mais si la crise dure plus de 5 minutes ou si une 2ème crise survient rapidement ou si la personne s’est blessée ou si la personne est visiblement mal, il faut appeler les secours pour que la personne soit hospitalisée en urgence.
Quels sont les principes du traitement de l’épilepsie ?
Traiter un épileptique, c'est d'abord essayer de supprimer ses crises, d’abord en supprimant une cause éventuelle, soit en prenant des mesures dirigées contre les facteurs favorisant ou provoquant des crises, soit en retirant chirurgicalement la lésion responsable, puis en prescrivant des médicaments antiépileptiques qui seront efficaces dans 60 à 70 % des cas.
Les formes résistantes au traitement médical sont parfois accessibles à une solution chirurgicale curative ou à la neurostimulation ou au régime cétogène chez les enfants. Mais seuls des examens approfondis permettent d’évaluer le rapport bénéfice/risque de cette opération aboutissant à l’ablation de la « zone épileptogène » tout en préservant les zones fonctionnelles du cerveau. La chirurgie de l’épilepsie s’applique surtout dans les épilepsies dites du lobe temporal où un excellent résultat peut être attendu dans 80 à 90 % des cas. Les résultats sont beaucoup moins favorables dans les autres localisations comme les épilepsies frontales ou les épilepsies pariétales. Mais la chirurgie « curative » n’est pas toujours possible du fait d’un mauvais rapport bénéfice-risque. Mais des approches « palliatives » qui réduisent la fréquence ou la sévérité des crises peuvent être proposées, parmi lesquelles la stimulation du nerf vague.
Mais traiter un épileptique, c’est aussi éduquer le malade et essayer de prévenir les conséquences sur la scolarisation, l'emploi, la conduite d'un véhicule, les loisirs…
Quels sont les médicaments utilisés dans l’épilepsie ?
Il existe de nombreux médicaments qui permettent de diminuer l’excitabilité des neurones et de limiter la propagation des crises.
• Les anticonvulsivants « classiques » sont le phénobarbital (Gardenal®, Alepsal®), la phénytoïne (Dihydan®), la carbamazépine (Tegretol), le valproate de sodium (Depakine®), le clonazépam (Rivotril®), l'éthosuximide (Zarontin®) et le diazépam (Valium®) en gel par voie rectale.
Les « nouveaux » anticonvulsivants sont le leviteracetam (Keppra®), le vigabatrin (Sabril®), la gabapentine (Neurontin®), la lamotrigine (Lamictal®), le topiramate (Epitomax®), l’oxcarbazepine (Trileptal®).
• Les antiépileptiques agissent à plusieurs niveaux sur les cellules nerveuses et leurs connexions : blocage des canaux synaptiques sodium-potassium ou calcium, inhibition de certains acides aminés excitateurs, stimulation d’autres molécules ayant un effet inhibiteur comme l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). Ces mécanismes restent très largement théoriques et incertains et les antiépileptiques sont plutôt classés en fonction de leur spectre d’efficacité.
Certains traitements ne sont efficaces que sur des épilepsies partielles (topiramate, oxcarbézine), quelques-uns ne le sont que sur des épilepsies généralisées (ethosuximide), et d’autres sont efficaces dans les deux cas (valproate de sodium, lamotrigine, keviteracetam, phénobarbital, benzodiazépine).
Certains malades sont soulagés avec un seul médicament, alors que d’autres auront besoin d’associations de molécules.
Les « options thérapeutiques » sont donc multiples mais, comme il n’y a aucun facteur qui permette de prédire l’efficacité d’un médicament, il est donc nécessaire d’ajuster le traitement petit-à-petit, mais cela peut prendre plusieurs mois.
Le choix d’un médicament est fondé sur l’analyse du type de l’épilepsie et du profil de tolérance. Il faut tenir compte du syndrome, de l’âge, du genre (problème spécifique de la contraception orale inactivée par certains antiépileptiques et de la grossesse avec les effets délétères de certaines molécules in utero et/ou sur le développement cognitif de l’enfant), de la cause de l’épilepsie et des maladies associées ou « co-morbidités » (éviter un médicament qui peut aggraver une dépression chez un sujet déprimé ou une molécule qui fait grossir chez un sujet obèse).
• Un traitement avec une seule molécule (« monothérapie »), qui sera choisie en fonction de la présentation de l’épilepsie, est choisi en première intention, en accord avec les recommandations scientifiques ainsi que son autorisation de mise sur le marché (AMM). Il est donc indispensable de connaître la forme de l’épilepsie pour prescrire la molécule théoriquement la plus adaptée, certains médicaments pouvant aggraver certains syndromes, comme la carbamazépine dans l’épilepsie type absence de l’enfant.
Si le diagnostic du type d’épilepsie est incertain, il est recommandé de prescrire un médicament actif sur toutes les formes de crises (on parle d’anti-épileptiques « à large spectre »).
Le traitement est jugé sur deux paramètres principaux : l’efficacité (contrôle des crises) et la tolérance (manière dont le traitement est supporté). Un traitement inefficace et/ou mal toléré ne peut être poursuivi.
• En cas d’échec d’une première monothérapie, une seconde est essayée. En cas d’échec d’une seconde monothérapie, une association de médicaments est généralement utilisée.
Quelles sont les évolutions possibles sous traitement médicamenteux ?
La prise régulière du traitement (« observance ») est indispensable pour espérer un bon contrôle des crises.
Environ 70 % à 80 % des crises sont contrôlées par le traitement médicamenteux en « monothérapie » ou en association de plusieurs molécules (« polythérapie »). Trois évolutions sont possibles sous traitement :
• Les crises sont contrôlées après la mise en route du traitement (« épilepsie pharmaco-sensible »).
Au bout de 3 à 5 ans sans crises, le traitement pourra être arrêté, après analyse des facteurs de risque de récidives.
• Les crises sont contrôlées sous traitement mais récidivent en cas d’arrêt (« épilepsie pharmaco-dépendante »).
• Les crises persistent (20 à 30 % des cas) malgré la prise régulière du traitement et souvent une association de plusieurs médicaments (« épilepsie pharmaco-résistante »).
Aujourd’hui, 60 à 70 % des patients répondent favorablement aux médicaments, mais la recherche continue pour concevoir de nouvelles molécules plus efficaces ou présentant moins d’effets secondaires (fatigabilité, somnolence, tremblement, troubles psychomoteurs légers...) ou efficaces sur les épilepsies actuellement pharmaco-résistantes
Quand faut-il envisager la chirurgie ?
Dans 30 % des cas, les malades ne répondent pas correctement au traitement médicamenteux.
• Un traitement chirurgical « curatif » peut alors être proposé si la « zone épileptogène » est localisée dans une partie du cerveau et si elle peut être enlevée sans séquelle neurologique majeure : elle s’adresse à environ la moitié des patients qui ont une épilepsie partielle « pharmaco-résistante » avec un foyer épileptogène localisé qui peut être enlevé sans créer de déficit fonctionnel (troubles du langage ou troubles de la mémoire).
L’éventualité d’un geste chirurgical va donc reposer sur un certain nombre de données : analyse des crises en utilisant les moyens modernes d’exploration (vidéo des crises à un enregistrement électroencéphalographique de surface, imagerie par résonance magnétique ou IRM) pour mettre en évidence une éventuelle lésion, mais aussi imagerie fonctionnelle qui permet d’évaluer le débit sanguin cérébral au niveau de la « zone épileptogène » et la consommation de glucose de cette zone (Pet-Scan et SPECT).
La recherche de cette zone épileptogène peut mettre en évidence une lésion cérébrale à l’origine des crises. Cependant, dans certains cas, les examens d’imagerie morphologique ne montreront pas de lésion.
• Lorsqu’il s’agit d’une épilepsie sans lésion apparente ou évidente, la deuxième phase de l’exploration chirurgicale revient à procéder à la recherche précise du « foyer épileptogène » par la mise en place d’électrodes profondes, soit sous la forme de plaques portant des électrodes que l’on dispose sur la surface du cerveau, soit par des électrodes implantés au sein de la structure responsable des crises. Ce bilan est particulièrement long, lourd et coûteux, mais il est indispensable si l’on veut enlever la zone responsable des crises.
• Trois types d’intervention chirurgicale sont actuellement réalisées en neurochirurgie conventionnelle : la « cortectomie » consiste en la résection très limitée de la zone du cerveau où a été individualisé le foyer épileptogène (lobe temporal et lobe frontal), « l’hémisphérotomie » (section fonctionnelle de l’un des deux hémisphères) utilisée exceptionnellement et réservée aux épilepsies sévères de l’enfance associées à une hémiplégie infantile ou à des lésions anatomiques importantes, et enfin, la « callosotomie » consiste en la résection d’une structure de connexion entre les deux hémisphères cérébraux (exceptionnellement dans certaines épilepsies généralisées graves et handicapantes).
• De nouvelles méthodes « radiochirurgicales » ont fait leur apparition : le « Gamma Knife » consiste à irradier la zone épileptogène par des faisceaux convergents en utilisant une puissance de radiation très élevée. Cette « radiochirurgie » a l’avantage d’être non invasive et de ne détruire que les cellules défectueuses.
D’autres techniques chirurgicales palliatives, fondées sur la stimulation électrique cérébrale ou périphérique, peuvent apporter une amélioration s’il y a contre-indication chirurgicale.
En quoi consiste la stimulation du nerf vague et de certaines structures intra-cérébrales ?
La neurostimulation vise à désynchroniser les neurones grâce à des stimulations électriques délivrées, directement dans la zone malade, ou via le nerf vague qui passe au niveau du cou et transmet des informations au cerveau.
Le principe est le même que celui d’un stimulateur cardiaque (ou « pace-maker ») : un petit boîtier (environ 5 cm de diamètre) est implanté chirurgicalement sous la clavicule gauche. Il contient une pile reliée à une électrode en contact avec le nerf vague. Celui-ci va transmettre les impulsions électriques aux différentes régions cérébrales et à la zone de l’épilepsie. Cette stimulation nécessite des réglages assez longs : entre un an et dix-huit mois.
Des stimulations de certaines structures cérébrales profondes comme l’hippocampe, certains noyaux sous corticaux peuvent être mis en place comme dans la maladie de Parkinson. Les premières études révèlent des résultats sont très encourageants.
Est-il possible d’arrêter un traitement antiépileptique ?
Un arrêt du traitement épileptique est envisageable si les crises sont contrôlées par le traitement prescrit (« épilepsie pharmaco-sensible ») : au bout de 3 à 5 ans sans crises, le traitement pourra être arrêté, après analyse des facteurs de risque de récidive.
Comment gérer les facteurs déclenchants ?
Les traitements antiépileptiques bloquent les altérations de la transmission entre les neurones, mais au quotidien, le malade doit éviter tout élément susceptible de déclencher une crise : l’hygiène de vie n’est pas un mot en l’air.
Il faut d’abord éviter tous les facteurs déclencheurs ou aggravants. Les épilepsies nocturnes sont sensibles à une simple privation de sommeil ce qui peut déclencher des crises à répétition.
L’alcool est également un déclencheur, tout comme les drogues.
Il y a des épilepsies sensibles à la stimulation lumineuse intermittente, certaines sont mêmes déclenchées par la lecture ou la musique.
Une personne souffrant d’épilepsie doit donc suivre un certain nombre de règles de vie simples :
- Mode de vie bien équilibré
- Temps de sommeil suffisant pour éviter les dettes de sommeil
- Prise régulière et quotidienne de son traitement
- Limitation des boissons alcoolisées.
- Aucun régime alimentaire particulier
Comment vivre avec une épilepsie ?
Le recours à un accompagnement psychologique peut s’avérer utile pour expliquer ou dédramatiser certaines situations et permettre ainsi d’harmoniser les relations familiales, professionnelles et sociales.
• A la maison, il faut prévenir les risques de blessures par des moyens simples : mobilier sans arêtes, literie basse, système de sécurité pour l'arrivée d'eau chaude, protection des plaques de cuisson. Les douches doivent être préférées aux bains.
• À l’école, les parents peuvent faire la demande, lors de la rentrée scolaire, d’un Plan d’Accueil Individualisé (ou PAI). Chaque année, 8 % des demandes de PAI concernent des enfants avec une épilepsie. Le dossier rempli par le médecin de l’enfant est transmis au médecin scolaire qui met en œuvre tous les aménagements nécessaires à l’accueil de l’enfant, en accord avec son médecin, ses parents, le chef d’établissement qui l’accueille et l’équipe pédagogique. Dans les cas les plus sévères, il existe des établissements médico-sociaux qui accueillent de manière prioritaire des enfants avec épilepsie. La ligue française contre l’épilepsie tient à disposition la liste des établissements spécialisés pour les enfants qui souffrent d’une épilepsie particulièrement grave.
Un épileptique peut-il travailler ?
Il existe un certain nombre d’interdits dans le choix d’un métier chez un épileptique.
Les métiers à éviter sont ceux qui présentent des dangers pour le malade ou pour les autres, qui ont des conséquences sur le sommeil ou qui sont stressants. Il s’agit essentiellement des métiers de chauffeurs poids lourds ou de chauffeurs de transports en commun, les métiers impliquant un travail en hauteur, un travail sur machines dangereuses, certains travaux à la chaîne...
Les carrières militaires et beaucoup d'emplois dans la fonction publique sont inaccessibles (éducation nationale, SNCF, aviation civile, plongeurs professionnels et travaux en caisson, police nationale…).
C’est le rôle du médecin du travail de déclarer l’aptitude à l’emploi. Il est tenu au secret professionnel. Sa mission, définie dans le code du travail est d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. Son rôle est exclusivement préventif. Comme il n’est pas directement impliqué dans la démarche thérapeutique, il n’a pas accès au dossier médical des personnes qu’il suit. C’est à ces personnes de lui signaler ce qu’elles jugent utile.
Un épileptique peut-il faire du sport ?
Une activité physique raisonnable est recommandée aux épileptiques. Mais lorsqu’il s’agit d’obtenir un certificat de « non contre-indication » à la pratique d'un sport, la réalité est plus nuancée. Il existe cependant des tests, réalisés lors du diagnostic de l'épilepsie, qui permettent de repérer les patients les plus à risque de subir des crises déclenchées par une activité physique intense. Pour les jeunes épileptiques, qui suivent leur traitement et qui sont stables, hormis les sports à haut risque, il n’y a pas de problème à faire un certificat.
Seuls certains sports qui sont susceptibles de mettre le pronostic vital en jeu sont interdits : alpinisme, plongée sous-marine, deltaplane, planche à voile, sports mécaniques...
Les baignades en piscine sont autorisées si le patient est accompagné et sous couvert d'une surveillance, lorsque les crises sont maîtrisées.
Un épileptique peut-il conduire ?
La conduite automobile est régie par la loi et les articles du code la route. En principe, un arrêté définit l’épilepsie comme une « affection médicale incompatible » avec l’obtention du permis de conduire. Deux crises ou plus sur une période de 5 ans entraîneront mécaniquement une suspension du permis. Dans les faits, les choses seraient de plus en plus compliquées, mais ce n'est pas le médecin qui prend la décision sur l'aptitude de l’épileptique à conduire ou non, mais une commission ad hoc. C'est au malade de faire les démarches et non au médecin mais c'est au médecin d'informer le malade (et seulement lui).
La conduite des poids lourds et des véhicules de transports encommun n'est possible qu'après un recul de 10 ans sans crise et sans traitement. Elle est possible pour les autres véhicules après avis de la commission médicale du permis de conduire si l'épilepsie est stabilisée depuis 3 à 6 mois, selon le syndrome.
Une femme épileptique peut-elle avoir une grossesse ?
La grossesse nécessite une information quant aux risques sur l'épilepsie. Elle peut augmenter la fréquence des crises en l'absence d'adaptation des doses d’antiépileptiques. L’épilepsie est aussi associée à plusieurs complications de la grossesse : avortement spontanée, retard de croissance intra-utérin, décollement placentaire, prématurité, hémorragie lors de l’accouchement (surtout en cas de crise généralisée tonico-clonique ou de crises en rapport avec un arrêt brutal du traitement).
Un conseil génétique est nécessaire selon le syndrome épileptique (certains sont transmissibles). Mais la question est surtout liée aux risques de malformations (« risques tératogènes ») des médicaments antiépileptiques : les antiépileptiques classiques sont responsables d'un risque de malformation 4 à 6 fois supérieur à celui de la population normale (2 %) et le risque est d'autant plus élevé qu’il y a une association de plusieurs antiépileptiques, que les posologies sont élevées et qu’il existe des antécédents familiaux de malformations. Un site regroupe les effets de tous les médicaments sur la grossesse et le bébé : il s’agit du CRAT, le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes.
Il est clair que le fait d'être épileptique et de prendre un traitement antiépileptique ne doit pas constituer la seule et unique raison d'une interruption de grossesse.
L’épilepsie contre-indique-t-elle la contraception ?
Non, en aucun cas, mais la contraception doit tenir compte des antiépileptiques inducteurs enzymatiques : certains antiépileptiques peuvent aussi diminuer l’action de la pilule.
L’épilepsie touche 0,7 % de la population avec 2 pics de fréquence : avant l’âge de 10 ans et après 60 ans. En France, près de 600 000 personnes seraient donc affectées par cette maladie, dont la moitié sont des enfants.
Le risque de faire une crise d’épilepsie au cours d’une vie de 80 ans (« incidence cumulative ») serait de 3 % environ.
Les liens de l’épilepsie
Le site de la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie
http://www.fondation-epilepsie.fr/
Le site de l’INSERM
http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/epilepsie
Le site du CRAT, le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes
http://www.lecrat.org/
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