Semaine de sensibilisation à la SLA
Place de l’aidant dans la SLA : « J'étais les bras et les jambes de mon mari »
Les aidants ont une place primordiale dans l’accompagnement et la prise en charge de la personne malade. Hélène Pinel a accepté de nous parler de sa place d’aidante au côté de son époux atteint de SLA (Sclérose Latérale Amyotrophique).
- Patricia Kovac/iStock
Le rôle de l’aidant est primordial auprès des personnes malades en perte d’autonomie. La vie des aidants est totalement chamboulée lorsqu’ils endossent ce rôle.
Hélène Pinel, cofondatrice de l'association de patients « Tous en selle contre la SLA » (TECS), mais aussi aidante d'une personne atteinte de SLA, son époux, décédé en 2020, nous raconte ce qu’elle a vécu et n’hésite pas à nous faire part de ses projets et de ses conseils.
Pourquoi Docteur : Comment cela s'est-il passé pour vous et à quel moment avez-vous senti que vous alliez devenir aidante ?
Hélène Pinel : C'est très graduel. Les premiers symptômes arrivent et le diagnostic est long puisqu'il prend en moyenne un an. Et quand le couperet et le diagnostic tombent, on comprend ce qui va arriver. Je ne me suis pas sentie aidante tout de suite, mais seulement quand cela a eu de l'impact sur ma vie professionnelle, c'est-à-dire quand j’ai été limitée dans les déplacements.
« Mon employeur m'avait permis de rester le matin à la maison »
Et qu'est-ce qui a changé pour vous, au niveau professionnel ? Est-ce que vous avez dû vous arrêter de travailler ?
C’est souvent le cas pour les aidants. Moi, j'ai eu une chance extraordinaire d'avoir un employeur et un responsable très compréhensifs. C'était pendant la période Covid. Je travaille dans une société d'IT (Technologies de l’information) et nous avions déjà tous les outils pour faire du télétravail. Mon employeur m'avait permis de rester le matin à la maison. Je ne venais (à La Défense à Paris, NDLR) que l'après-midi. Et quand mon mari n'a plus été autonome, une auxiliaire venait à la maison. Mais il est parti avant que ce soit compliqué…
Cet aménagement du temps de travail a été essentiel grâce à un employeur compréhensif.
Quel était votre rôle en tant qu'aidante ?
J'étais les bras et les jambes de mon mari. Tout ce qu'il ne pouvait plus faire, il me demandait de le faire. Donc c'est la toilette le matin, etc. Et ensuite, j'ai été suppléée, parce qu’à un moment donné, c'était devenu trop lourd. En effet, la toilette, c'est une heure et demie, surtout pour une personne non expérimentée. C’est donc la toilette, le repas. Les repas, plus ça va, plus c'est long, et plus c'est long, plus cela use la patience, et il faut avoir un amour infini, inconditionnel pour gérer tout cela.
Les aidants, au début, c'est la famille. Après, on se renseigne, parce qu'on est dans le besoin, sur les possibilités administratives. Il y a déjà les auxiliaires de vie. Et là, il y a une petite injustice entre les malades avant 60 ans et après 60 ans, puisque les aides ne sont pas les mêmes.
Il y a aussi tout le corps médical comme les infirmiers, les kinésithérapeutes, les neurologues… L'acteur majeur reste tout de même le médecin traitant qui est proche de chez vous.
« Des aides familiales et amicales mais aussi de la collectivité »
De quelles aides avez-vous bénéficié et comment faire pour y avoir accès ?
Nous avons eu des aides à la fois familiales et amicales, et aussi par la collectivité. Il faut déposer un dossier à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) qui vous accorde des heures (d’aide, NDLR). C’est grâce à cela que l'on rémunère l'auxiliaire qui vient à la maison. Et quand la maladie évolue, on demande de plus en plus d'heures.
Tout ce qui concerne la maladie est pris en charge. Pour le matériel, c'est plus complexe, il faut anticiper. Par exemple, pour le fauteuil, nous en avions initialement commandé un manuel qui a été pris en charge, et finalement, le fauteuil électrique s'impose très rapidement. Et là, nous avons été aidés par l'ARSLA (Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique et autres maladies du motoneurone) avec un prêt du matériel sans condition.
Et il y a des associations locales, comme « SLA Qu’es AQUO », par exemple, qui aide formidablement les patients dans la région de Toulouse. Mais il y en a de nombreuses autres.
Pourquoi il y a tant d'associations ? C'est parce que chacun crée une association autour du malade pour justement aider.
Quels sont les délais pour obtenir toutes ces aides ?
Ce sont des démarches administratives. Certains savent bien les faire. Et, il y a ceux qui sont un peu perdus, alors cela met du temps. Moi-même, cela a mis, je pense, 4 à 6 mois. C'était en 2018. Je me suis même déplacée là-bas (à la MDPH, NDLR) pour leur expliquer que cela devenait urgent. Et malgré cela, ce fut long.
Qu’apportent vraiment les associations ?
En 2018, j'ai rencontré Virginie Delmas, une aidante, dont le mari était allergique au gluten et qui se posait une question : « est-ce que tout ça ne serait pas lié ? ». Elle a donc recherché les publications médicales. Et aujourd'hui, notre association veut demander l'accès compassionnel (permission d’accès à un médicament) pour un transfert de microbiote fécal. C'est-à-dire, qu’on retire tout le microbiote des intestins, et on en remet un autre issu de donneur sain. Le but est de recoloniser l'intestin des malades.
De nombreux professionnels entourent la personne malade
Quels sont les professionnels de santé qui entourent les malades de SLA et les aidants ?
Il y a le médecin traitant, le neurologue, le kinésithérapeute. Le kiné est important parce que les personnes sont immobiles. Donc, si le kiné n'est pas là pour étirer les membres, leur maintenir la souplesse, il y a des douleurs neurologiques chez certaines personnes.
Nous avons aussi fait appel à un centre de soins palliatifs pour essayer d'améliorer la qualité de vie de mon mari.
Quels sont les moyens de communication pour les personnes atteintes de SLA ?
En 2024, il y a un outil formidable : les commandes oculaires. C'est-à-dire que grâce aux mouvements des yeux et au clignement des paupières, cette interface permet de piloter son ordinateur. De ce fait, à partir d'une voix de synthèse, le malade peut communiquer.
Mais ces systèmes sont très chers. Il faut passer par la MDPH pour être financé.
Comment fait-on quand on est aidant pour ne pas s'oublier et s'occuper de soi ?
C'est compliqué... C’est compliqué physiquement parce qu'on a peur de partir. On devient la personne référente. Il est donc important de faire intervenir les auxiliaires de vie le plus rapidement possible pour que le malade ait plusieurs référents. En cas d'incident, si le référent principal part, le malade se sent moins perdu. Donc mettre en place toutes ces aides graduellement est une condition essentielle à la longévité du malade et de l'aidant. Puisqu'un aidant sur trois meurt avant le malade… Et moi, en travaillant, puisque je devais travailler pour le côté financier, je ne voyais que le burn-out.
On allait de temps en temps au cinéma. Là encore, attention aux accès handicapés, dans ces cas-là, on prenait le fauteuil manuel.
Il est important de conserver le réseau familial et les amis, parce que c'est une maladie qui fait peur, qui est déroutante, parce que le malade change et son aspect physique aussi. Il a des raideurs dans le visage, donc sa façon de sourire est différente. On a l'impression qu'il est plus absent. Comme dans toutes les maladies neurologiques, il faut savoir que la personne comprend et qu'elle est en face de quelqu'un qui répète en pensant qu'elle n'intègre pas, mais elle intègre très bien. Donc il faut expliquer.
Le réseau social est important pour nous et la personne malade.
La coordination entre les acteurs est importante
Dites-nous en un peu plus sur votre association ?
Nous demandons donc la transplantation de matières fécales, par rapport au microbiote (appelée flore intestinale auparavant).
Nous avons recherché tous les moyens pour améliorer la longévité de nos conjoints ou des malades qui nous ont rejoints, mais aussi des fondateurs de cette association de patients puisqu’il y a 3 malades et 2 aidantes.
Et on voit bien que sur les recherches génétiques, cela avance, sur certaines pistes également. Mais sur le microbiote, rien.
Pour le moment, le droit à l'essai (de la transplantation de microbiote) a été refusé.
Et il faudrait pouvoir trouver un marqueur, une sorte de carte d'identité de cette maladie dans notre intestin qui nous permettrait de la diagnostiquer. Pour le moment, il n’y a pas de biomarqueur.
Un laboratoire a accepté de travailler avec nous et de débuter un premier essai clinique nommé IASO, qui est en phase de clôture. Il a démarré il y a plus d'un an et a recruté 15 malades.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
J'aimerais que la SLA soit un exemple de l'intelligence collective. Ce qui est important aujourd'hui, c'est de recueillir les données et de faire travailler nos ordinateurs (web, intelligence artificielle). Il y a un besoin de coordination entre les acteurs médicaux pour le quotidien, également concernant les démarches administratives et le volet financier.
L'émission est à retrouver sur notre chaîne YouTube :